Publié le 02 juin 2023
ÉNERGIE
Les investissements dans le solaire dépassent pour la première fois ceux dans le pétrole
C’est une bascule qui s’opère. Les investissements dans le solaire devraient dépasser cette année ceux dans la production pétrolière, selon les estimations de l’Agence internationale de l'énergie. Il y a dix ans, le pétrole attirait six fois plus d’argent que le solaire. Une bonne nouvelle qui doit toutefois être relativisée tant les investissements dans les fossiles restent importants.

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"Un changement majeur est en cours dans l'énergie mondiale", se réjouit Fatih Birol, le directeur exécutif de l’Agence internationale de l’énergie (AIE). Dans son rapport consacré aux investissements dans l’énergie, publié le 25 mai dernier, l’agence met en avant la progression des investissements dans les technologies décarbonées. Celles-ci englobent à la fois les énergies renouvelables, les véhicules électriques, l'énergie nucléaire, les réseaux, le stockage, les carburants à faibles émissions et les mesures d’efficacité énergétique.
A major shift is taking place in global energy
5 years ago, for $1 invested in fossil fuels, the same went to clean energy. But since then, a big gap has opened up.
This year, for $1 invested in fossil fuels, $1.70 is going to clean energyhttps://t.co/rVJUZP9xC3 pic.twitter.com/yujeH4Pl1i— Fatih Birol (@fbirol) May 25, 2023
"L'énergie propre évolue rapidement - plus rapidement que beaucoup de gens ne le pensent. Cela est clair dans les tendances d'investissement, où les technologies propres s'éloignent des combustibles fossiles", a déclaré Fatih Birol, graphique à l'appui. "Pour chaque dollar investi dans les combustibles fossiles, environ 1,7 dollar est désormais consacré à l'énergie propre. Il y a cinq ans, ce ratio était de un pour un", indique-t-il.
Le solaire éclipse le pétrole
Selon les estimations de l’AIE, l'investissement mondial dans les énergies propres devrait atteindre 1 700 milliards de dollars en 2023. Cela représente une hausse de 24% entre 2021 et 2023, tirée par les énergies renouvelables et les véhicules électriques, contre une augmentation de 15% des investissements dans les combustibles fossiles sur la même période. Surtout, le solaire devrait pour la première fois éclipser la production de pétrole, avec 380 milliards de dollars d’investissements contre 370 milliards pour le pétrole.
Les investissements dans les énergies propres ont été stimulés par divers facteurs, notamment des périodes de forte croissance économique et de volatilité des prix des combustibles fossiles qui ont suscité des inquiétudes quant à la sécurité énergétique, en particulier après l'invasion de l'Ukraine par la Russie. Un soutien politique accru par le biais d'actions majeures telles que la loi américaine sur la réduction de l'inflation et des initiatives en Europe, au Japon, en Chine et ailleurs ont également joué un rôle, selon l’AIE.
Cette poussée des énergies renouvelables ne se reflètent pas que dans les investissements, mais aussi dans les nouvelles capacités installées. Elles devraient encore battre des records cette année, avec 440 gigawatts de nouvelles capacités installées d'ici 2024, portées principalement par le solaire. C'est un tiers de plus que l'année dernière. La Chine concentre la moitié de ces nouvelles capacités.
Une trop forte concentration des investissements
Sans surprise, cette concentration concerne également les investissements, ce que regrette l'AIE. Plus de 90% de leur augmentation provient des pays de l’OCDE et de la Chine. "Ce qui présente un risque sérieux de nouvelles lignes de partage dans l'énergie mondiale si les transitions énergétiques propres ne s'accélèrent pas ailleurs", prévient l’agence. "Les plus grands déficits d'investissement dans les énergies propres se situent dans les économies émergentes et en développement", expliquent les auteurs.
"La communauté internationale doit faire beaucoup plus, en particulier pour stimuler les investissements dans les économies à faible revenu, où le secteur privé hésite à s'aventurer", indique l’AIE. Mais il existe de nombreux freins : taux d'intérêt plus élevés, cadres politiques et conceptions de marchés peu clairs, infrastructures de réseaux faibles, services publics en difficulté financière et coût élevé du capital. Il y a toutefois des points positifs, tels que des investissements dynamiques dans le solaire en Inde et dans les énergies renouvelables au Brésil et dans certaines parties du Moyen-Orient notamment en Arabie saoudite, aux Émirats arabes unis et à Oman.
Autre bémol, si les investissements annuels dans les énergies propres augmentent, un peu plus de 1 000 milliards de dollars vont encore au charbon, au gaz et au pétrole, un niveau deux fois plus élevé que celui envisagé en 2030 par le scénario Net zéro de l’AIE. Par ailleurs, la demande mondiale de charbon a atteint un niveau record en 2022, et les investissements dans le secteur cette année devraient atteindre près de six fois les niveaux envisagés en 2030, toujours dans le scénario Net zéro. Au total, les dépenses en capital de l'industrie pétrolière et gazière dans des alternatives à faibles émissions ne représentaient que moins de 5% de leurs investissements en amont en 2022. La marge de progression reste donc importante.