Publié le 16 janvier 2015

ÉNERGIE

Énergies renouvelables : pourquoi la baisse des prix du baril de pétrole ne nuit pas aux investissements

La chute vertigineuse des cours du brut n’a entamé en rien les décisions d’investissement dans les énergies renouvelables (EnR). Ces dernières ont même progressé de 16% en 2014. Et sont attendues en forte hausse cette année dans l’éolien et le solaire. Comment expliquer ce paradoxe ?

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Les décisions d’investissement dans les énergies renouvelables (EnR) ont crû de 16% à travers le monde en 2014, selon les données publiées le 9 janvier par Bloomberg New Energy Finance (BNEF). Elles ont atteint 310 milliards de dollars l’an dernier, enregistrant leur première hausse depuis 2011. Leur augmentation a été de 32% en Chine et de 8% aux Etats-Unis. En Europe, elle n’a été que de 1%. Mais en France, la progression s’est élevée à 26%. Elle s’explique en particulier par le projet de centrale photovoltaïque de Cestas, en Gironde (avec 300 MW, ce devrait être la plus puissante d’Europe).

La baisse de 55% environ des cours du pétrole brut depuis la mi-2014 ne semble donc pas avoir affecté les projets en matière d’EnR à travers le monde. "Les décisions d’investissement résultent de longues préparations. Il est donc normal que la diminution des prix pétroliers n’ait pas d’impact immédiat sur elles", explique Diane Lescot, directrice adjointe de l’Observatoire des énergies renouvelables Observ’ER.

 

Forte hausse des investissements attendue en 2015 dans l’éolien et le solaire

 

Reste donc à savoir si la chute des cours aura un effet notable dans les prochains mois. Gestionnaire du fonds Performance Environnement de la société de gestion La Financière de Champlain, Olivier Ken ne le pense pas. "Nous nous attendons à une forte hausse des décisions d’investissement dans les EnR en 2015", souligne-t-il. Selon lui, les investissements décidés cette année pourraient s’afficher en croissance de 15% dans le solaire et de 15% également dans l’éolien. Ils devraient être avant tout tirés par la Chine et les Etats-Unis.

À l’inverse, "entre 2012 et 2013, alors que les cours du brut étaient encore élevés, les décisions d’investissement dans les EnR avaient diminué de manière notable en Europe", note Diane Lescot. Comment expliquer cette apparente décorrélation entre prix pétroliers et investissements dans les énergies renouvelables ?

Tout d’abord par le fait que, "dans de nombreux pays, les EnR électriques sont assez significativement subventionnées par les Etats. Cela préserve leur rentabilité et les protège des aléas de marché", rappelle l’économiste Frédéric Gonand, professeur associé à l’Université Paris Dauphine.  

 

Des EnR moins chères et plus compétitives

 

Ensuite, le pétrole ne concurrence directement les EnR que pour une très faible part de la production d’électricité. "Il ne sert à produire que 5% de l’électricité mondiale. La chute des cours du brut pourrait accroître la génération d’électricité à partir de fioul. Mais cela ne se ferait que dans de faibles proportions", estime Olivier Ken.

Le gaz, en revanche, est un vrai concurrent des EnR. Ses prix restent certes en partie corrélés à ceux du pétrole. Mais ils le sont moins que par le passé. Car ces dernières années, les importateurs ont souhaité qu’ils dépendent davantage des prix des marchés spot du gaz, au détriment de l’indexation sur les cours du brut. Ainsi, "les prix du gaz n’ont pas diminué dans les mêmes proportions que ceux du pétrole", constate le gestionnaire de fonds de La Financière de Champlain.

Enfin, avec la baisse progressive de leur coût, les EnR électriques sont plus compétitives et plus résistantes aux baisses de prix des énergies fossiles.

Conclusion de Frédéric Gonand: "si la chute des cours du brut devait avoir un effet sur les investissements dans les EnR électriques, cet effet devrait être faible".

 

Les énergies propres dédiées au transport directement menacées

 

La situation est en revanche bien différente pour les énergies propres dans le secteur des transports. "Les ventes de véhicules électriques seront probablement les premières à sentir l’impact d’un pétrole moins cher, qui a réduit le coût de l’essence et rendu les voitures conventionnelles plus économiques", analyse BNEF. Pour ce qui est des agrocarburants, ils sont l’une des rares EnR à avoir enregistré une baisse des décisions d’investissement l’an dernier (-7%, à 5,1 milliards de dollars).

Mais au final, ce sont davantage le pétrole et le gaz non conventionnels nord-américains (gaz de schiste, de houille, etc.) que les investissements mondiaux dans les EnR qui risquent d’être fortement affectés par la chute des cours du brut.    

Carole Lanzi
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