Publié le 04 octobre 2023
ÉNERGIE
Le double jeu des assureurs qui continuent de soutenir les mines de charbon malgré leurs engagements climatiques
AIG, Swiss Re, Liberty Mutual… de grandes compagnies d’assurance internationales continuent de fournir des couvertures aux mines de charbon américaines, selon des données compilées par Insure our future et Public citizen. La plupart ont pourtant pris des engagements d’exclusion du charbon ou ont déclaré vouloir atteindre la neutralité carbone d’ici 2050.

@CCO
Les compagnies d’assurance ont été parmi les premiers établissements financiers à vouloir se désengager du charbon en raison de son impact sur le changement climatique. Pourtant, un rapport de Public citizen et Insure our future sur 25 mines de charbon aux États-Unis montrent que de grandes sociétés américaines et européennes continuent de fournir des contrats d’assurance à ces producteurs. En tout seize assureurs ont été identifiés, dont une grande partie a pourtant publié des politiques de sortie du charbon, certains ayant même participé à la création de la "Net zero insurance alliance", l’association des assureurs pour la neutralité carbone.
Cinq assureurs couvrent à eux seuls la production de plus de 245 millions de tonnes de charbon, soit 41% de la production américaine. Il s’agit des Américains AIG et Liberty Mutual, du britannique Lloyd’s of London et des Suisses Swiss Re et Zurich. Hormis la Lloyd’s of London, chacune de ces sociétés ont mis en place des politiques de restriction sur les activités liées au charbon. "Ces données soulignent les failles de leurs politiques", remarque Public citizen, qui dénonce des politiques trop vagues, ou permettant à certains projets de passer entre les mailles du filet.
Près de 30% de la production couverte par AIG
AIG figure en haut de la liste des assureurs du charbon, il couvre près de 30% de la production des 25 mines recensées par le rapport. L’assureur américain a adopté une politique sur le charbon en mars 2022 dans laquelle il s’engage à atteindre la neutralité carbone, et à ne plus assurer de nouveaux projets de mines de charbon pour des entreprises réalisant plus de 30% de leur activité dans ce secteur. Selon les données compilées par les deux ONG, AIG assure pourtant plusieurs mines appartenant à des entreprises figurant sur la Global coal exit list (GCEL), la liste des entreprises mondiales produisant du charbon thermique établie par Urgewald afin d’aider les investisseurs à appliquer leurs stratégies d’exclusion. Celle d’AIG apparaît donc "manquer de mordant", avec une sélectivité des projets trop laxiste.
L’assureur suisse Zurich, de son côté, assure des mines dédiées au charbon métallurgique, utilisé notamment dans la production de l’acier. Il ne contrevient donc pas à sa politique d’exclusion qui, comme la plupart des politiques d’exclusion, cible le charbon thermique. Pour les ONG, il s’agit néanmoins d’un angle mort de la stratégie des assureurs, le charbon métallurgique entraînant aussi des émissions importantes de gaz à effet de serre. Les solutions alternatives au charbon commencent cependant tout juste à se développer dans la sidérurgie, en remplaçant notamment les hauts fourneaux par de nouveaux matériels fonctionnant aux énergies renouvelables.
Mettre fin aux contrats d’assurance existants
La liste publiée par le rapport des deux ONG montre à quel point les compagnies d’assurance peinent à décarboner totalement leurs activités. Les assureurs américains connaissent pourtant bien le risque que le changement climatique fait peser sur leur métier. AIG et State Farm ont ainsi annoncé cette année ne plus vouloir couvrir de biens immobiliers en Californie, ou bien augmenter drastiquement le coût des polices. Entre les mégafeux, les inondations, les sécheresses, etc., le climat rend le prix de l’assurance pour les particuliers de plus en plus élevé.
Insure our future compte 45 assureurs dans le monde ayant publié des politiques excluant les mines de charbon et la production d’électricité à partir de charbon, dont un tiers affichant leur intention de mettre un terme aux contrats en cours. Le Français Axa, qui figure parmi les 16 sociétés assurant des mines de charbon aux États-Unis en 2022, a ainsi renforcé sa politique en juillet 2023 et déclare désormais n’avoir plus de police d’assurance en cours pour les mines citées dans le rapport. Les deux ONG incitent désormais toutes les entreprises du secteur d’une part à refuser d’assurer de nouveaux projets, mais aussi à mettre un terme aux contrats en cours d’ici fin 2024 pour les sociétés non alignées sur une trajectoire à 1,5°C.