Publié le 29 mars 2022

ÉNERGIE

La centrale à charbon de Saint-Avold pourrait finalement ne pas fermer au 31 mars

À Saint-Avold, en Moselle, c'est l'incompréhension la plus totale. La centrale à charbon, l'une des deux dernières encore en fonctionnement en France, doit officiellement s'arrêter au 31 mars, soit dans deux jours. Mais la pénurie d'électricité nucléaire, et la guerre en Ukraine qui menace l'approvisionnement en gaz, change la donne. Le ministère a demandé plusieurs études à EDF et à RTE pour réévaluer la situation. Sur place, l'ambiance n'est pas à la poursuite. 

L'une des deux dernières centrales à charbon doit fermer le 31 mars prochain, mais le report de cette fermeture est sérieusement envisagé par le gouvernement.
@Uniper

Dans deux jours, le 31 mars, la centrale à charbon de Saint-Avold, en Moselle, doit officiellement s’arrêter. Avec celle de Cordemais, en Loire-Atlantique, ce sont les deux dernières à fonctionner encore dans l’Hexagone. Emmanuel Macron avait promis de tourner la page du charbon d’ici la fin de son quinquennat. Mais dans le contexte actuel de baisse de la production d’énergie nucléaire et de guerre en Ukraine, cette promesse risque de ne pas être tenue, et le report de la fermeture de Saint-Avold est sérieusement envisagé au sein du gouvernement.

"Le bruit court depuis trois semaines, mais nous n’avons aucune information officielle", se désole Jean-Pierre Damm, secrétaire général Force ouvrière, 48 ans d’ancienneté au compteur. "C’est totalement surréaliste ! C’est unique dans les annales du monde industriel. Je ne comprends pas l'attentisme de l’État. Ici, l’ambiance n’est pas bonne. Nous ne sommes pas dans une bonne dynamique pour repartir si jamais on nous dit que la centrale ne ferme finalement pas. Certains salariés disent qu’ils ne reviendront pas", ajoute-t-il.

Invité de France Info le 28 mars, Jean-Michel Mazalerat, président de GazelEnergie, qui exploite la centrale de Saint-Avold, explique que "le sujet est sur la table. Visiblement, le gouvernement y réfléchit."C'est clair que la centrale va s'arrêter. Est-ce qu'elle redémarrera cet hiver? C'est une décision du gouvernement. Si on doit contribuer à la sécurité du système électrique, évidemment on va se mobiliser", a-t-il déclaré. "Nous sommes d'accord pour redémarrer l'hiver prochain mais nous attendons une décision ferme de l'Etat, nous avons besoin d'un décret", a précisé dans la soirée la directrice de la communication de GazelEnergie, Camille Jaffrelo, jointe par l'AFP.

Pas de réponse tranchée du côté du ministère

Du côté du ministère de la Transition écologique, contacté par Novethic, pas de réponse tranchée. "La ministre de la Transition écologique Barbara Pompili a demandé un audit indépendant à EDF pour identifier les leviers pour maximiser la disponibilité du parc nucléaire. Une nouvelle contrainte s'ajoute avec la guerre en Ukraine, nous devons anticiper des scénarios de moindre disponibilité du gaz naturel, utilisé aussi pour la production électrique. Dans ce nouveau contexte, le ministère a demandé à RTE d'actualiser ses scénarios pour l'hiver prochain. Nous évaluerons la situation en fonction", explique le service de presse.

Au cœur de l’hiver, le gouvernement avait déjà dû se résoudre à relancer le charbon face à la baisse historique de la disponibilité du parc nucléaire. Un décret avait été publié en février pour autoriser une augmentation temporaire des plafonds de production des centrales à charbon pour les mois de janvier et février. Entre-temps, la guerre en Ukraine a éclaté, malmenant encore un peu plus notre système de production électrique avec des risques d’approvisionnement en gaz et une explosion des coûts. Dès lors, fermer la centrale à charbon de Saint-Avold au 31 mars comme cela est prévu pourrait avoir des conséquences pour l’hiver prochain.

"Nous tournons à plein régime"

"Nous tournons à plein régime depuis le 1er janvier et quasiment sans arrêt, sauf pour la maintenance des machines. Je ne comprendrai pas qu’on nous dise d’arrêter vu la situation", confirme Jean-Pierre Damm. "Il y a une opacité totale au niveau de la direction alors qu’on aurait dû anticiper et engager des négociations pour envisager cette hypothèse. Si la décision est de continuer, on risque d'avoir des problèmes pour recruter, il faut aussi prévoir l’approvisionnement en charbon…(le charbon utilisé actuellement provient de Russie, NDR)."

Sur les 87 salariés de la centrale, une cinquantaine doivent partir en retraite ou pré-retraite, une dizaine ont été embauchés ailleurs, trois salariés vont bénéficier d’un congé formation de longue durée, et huit salariés ont reçu une promesse d’embauche pour travailler dans la future chaudière à biomasse, qui va brûler du bois à la place du charbon. Un projet que l'État entend soutenir à hauteur de 12,7 millions d'euros, avait indiqué en décembre la ministre de l'Industrie Agnès Pannier-Runacher.

Concepcion Alvarez @conce1


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