Publié le 22 septembre 2022

ÉNERGIE

L’Université de Cambridge ne veut plus être financée par les énergies fossiles

Sous pression de ses étudiants et de ses professeurs, la prestigieuse université de Cambridge au Royaume-Uni envisage de couper les liens avec les entreprises des énergies fossiles. Un vote initié par l’un des comités de direction de l’établissement aura lieu à l’automne pour savoir si la recherche peut continuer à recevoir des financements des majors pétrolières et gazières. Un débat qui fait écho à la polémique qui a secoué pendant plusieurs mois l’école Polytechnique en France, quand TotalEnergies souhaitait y implanter un centre de recherche et d’innovation.

Universite de Cambridge KirstenDrew via unsplash
L'Université de Cambridge doit se prononcer sur les financements et partenariats avec les industries des énergies fossiles.
@KirstenDrew via Unsplash

Les étudiants français ne sont pas les seuls à bifurquer. Les Britanniques veulent aussi voir leur campus s’affranchir du soutien des entreprises liées aux énergies fossiles. Cet été, l’Université de Cambridge a commencé à prendre ses distances avec les entreprises pétrolières et gazières. Elle répond à la pression des organisations étudiantes et du corps professoral qui militent en ce sens depuis plusieurs années. En mai dernier, ils avaient ainsi mené des actions à Cambridge et à Oxford pour pousser les directions des universités à ne plus laisser ces entreprises financer la recherche universitaire.

Pour commencer, la direction de l’université de Cambridge a annoncé qu’elle allait débaptiser le BP Institute, un institut de recherche financé à hauteur de 26 millions d’euros par la major britannique en 2000. Un nouveau nom devrait être trouvé prochainement. Mais cet automne, l’établissement ira un cran plus loin. Il va soumettre au vote la question du financement de la recherche et des partenariats auprès de son corps académique, qui décidera ou non de continuer de travailler avec le secteur des fossiles.

Une motion demandée par le corps professoral

Ce vote a été demandé par des professeurs de l’université membres du "Regent House", l’un des comités de direction de l’établissement. En l’occurrence, quelque 84 professeurs ont soutenu cette motion, qui vise toutes les entreprises développant de nouvelles infrastructures liées aux énergies fossiles, explorant de nouveaux champs pétroliers ou gaziers, ou appartenant à un lobby contre le climat. La motion explique en effet que "tout en faisant des donations à l’université de Cambridge, les entreprises des énergies fossiles continuent de payer des cotisations, pour plus de 10 millions de dollars par an pour certaines, à des groupes de pression industriels tels que l’American Petroleum Institute, qui promeuvent l’expansion des énergies fossiles et qui font du lobbying contre les réglementations climatiques".  

L’enjeu financier n’est pas négligeable. Selon un article du quotidien anglais The Guardian, l’université de Cambridge aurait reçu près de 14 millions de livres de la part d’entreprises des secteurs pétrolier et gazier entre les années 2017 et 2021. C’est l’une des universités anglaises les plus soutenues par l’industrie pétrolière, avec l’Imperial College de Londres.

Une première mondiale selon l’ONG Fossil Free Research

La démarche est particulièrement originale lorsqu’elle est replacée dans le contexte français. Polytechnique, à Saclay, a en effet connu la même polémique ces dernières années, lorsque l’école d’ingénieurs a accepté que TotalEnergies installe un institut de recherche sur les énergies bas-carbone sur son campus. Comme à Cambridge, les étudiants se sont élevés contre ce projet, estimant qu’il s’agissait pour la major française d’un moyen d’augmenter son influence sur l’école. Mais à Polytechnique, pas question d’un vote.

Entre manifestations étudiantes, procès intenté contre le PDG de TotalEnergies pour prise illégale d’intérêt, proposition de la direction de l’école de déplacer le bâtiment… la polémique a duré plusieurs mois. C’est seulement en janvier 2022 que TotalEnergies a déclaré forfait, en se retirant du projet. À Cambridge, si le vote est favorable à la motion déposée par les 84 membres du Regent House, la procédure devrait donc être plus aisée. L’ONG Fossil Free Research estime sur Twitter que, si elle passe, "Cambridge serait un leader mondial pour l’application d’une politique complète de recherche sans fossile, mettant fin à la captation toxique de la recherche critique sur le climat par des entreprises qui consacrent toute leur puissance économique et politique à la dégradation du climat".

Arnaud Dumas, @ADumas5


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