Publié le 21 décembre 2018
ÉNERGIE
L'Allemagne dit adieu à la houille… mais est loin, très loin, de tourner le dos au charbon
Pour la dernière fois, des mineurs vont descendre dans une mine de houilles en Allemagne. C’est un chapitre de l’industrie du pays qui se ferme et est célébrée en grande pompe par les autorités. Toutefois, Berlin ne tourne pas le dos à son autre source de charbon, le lignite, dont le pays exploite d’immenses mines à ciel ouvert.

@ThomasLohnes/GettyImagesEurope/AFP
Ce vendredi 21 décembre est un jour important dans l’histoire énergétique de l’Allemagne. Les "gueules noires" de la Ruhr plongent une dernière fois vendredi dans leur houillère de Bottrop. Une page majeure de l'histoire allemande se tourne, faite de solidarité ouvrière et de cathédrales industrielles désormais obsolètes.
Après des semaines de documentaires et d'éditions spéciales, tout le pays pourra suivre à la télévision à partir de 16h00cet adieu solennel à la houille, en présence du président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker et du président allemand Frank-Walter Steinmeier.
"Glückauf Kumpel !" : vêtus de leurs casque et uniforme blanc, les mineurs se lanceront un ultime "Bonne chance camarade !", leur phrase rituelle lorsqu'il fallait percer une "veine" et conjurer le danger toujours présent. Puis ils remonteront un dernier bloc de charbon, "l'or noir" allemand envoyé aux oubliettes par la houille étrangère à bas coût, pendant que la chorale charbonnière de la Ruhr entonnera le Steigerlied, l'hymne traditionnel des mineurs.
600 000 mineurs
Les galeries creusées pendant 150 ans, soit six générations de mineurs, à la pioche puis à la foreuse, seront ensuite scellées et progressivement noyées par les eaux de ruissellement. Depuis onze ans déjà, les 1 500 salariés de la fosse de Prosper-Haniel se préparaient à cette fermeture annoncée, dans une Ruhr qui a compté jusqu'à 600 000 mineurs après la Seconde guerre mondiale.
"Merci !", a également écrit vendredi sur Twitter le ministre allemand de l'Economie, Peter Altmaier. "Nous devons énormément de choses aux mineurs : chaleur, prospérité et sécurité", a-t-il déclaré.
Dans la Ruhr, déjà frappée par le déclin de son autre fierté industrielle, la sidérurgie, une difficile reconversion s'annonce, doublée d'une mise en valeur touristique des anciens sites.
Le lignite toujours reine
Depuis que Berlin a programmé en 2007 la fermeture des houillères, les autorités rhénanes tentent de faire du bassin minier un pôle de compétitivité, dense en universités, centres de recherche et startups. Et pour éviter un choc trop brutal, l'Allemagne a subventionné les mines, avec au total 40,15 milliards d'euros depuis 1989. 2,7 milliards supplémentaires sont prévus d'ici 2022 pour accompagner la transition.
Mais l'adieu à la houille est toutefois loin de signifier l'abandon du charbon. Près de 40 % du mix électrique allemand repose encore sur ce minerai, sous ses deux formes : la houille importée et plus encore son cousin très polluant et bon marché, le lignite.
Le pays compte ainsi plusieurs immenses mines de lignite à ciel ouvert. Et les centrales au charbon venues d'Australie ou de Chine turbinent à plein régime, y compris dans la Ruhr. Le gouvernement dévoilera début février les grandes lignes de son plan d'abandon progressif du charbon, pour l'heure attendu à l'horizon 2050. À titre de comparaison, la France tournera la page du charbon en 2022.
La rédaction avec AFP