Publié le 20 avril 2020
ÉNERGIE
Crise du Coronavirus : le pétrole s’échange à moins de zéro dollar aux États-Unis en raison de l'effondrement de la demande
Lundi 20 avril, si vous achetiez du pétrole sur le marché américain, on vous donnait de l’argent en plus. En effet, en raison de la faiblesse de la demande et la saturation des centres de stockage américains, les cours du WTI, le pétrole de référence outre-Atlantique, ont atteint 36 dollars en dessous de zéro. La situation ne sera que très temporaire mais elle va faire de considérables dégâts dans le secteur.

@DavidMcNews-GettyImage-AFP
Beaucoup ont rêvé du jour où le pétrole ne vaudrait plus rien et où ses cours ne feraient plus tourner la tête du monde. Mais ce que les réglementations carbone et la menace climatique feront peut-être en quelques dizaines d’années, le Coronavirus l’a accompli en quelques semaines. Lundi 20 avril, le baril américain de pétrole, le WTI, a connu une véritable descente aux enfers. Il a enregistré une baisse record. Il est passé sous les 10 dollars, puis 5, puis 2 pour tomber à 1 cent et poursuivre sa chute sous le seuil de zéro dollar pour atteindre -37,63 dollars. C’est son niveau le plus bas niveau jamais enregistré depuis la création de ce contrat en 1983.
Concrètement, les livraisons prévues pour mai s’échangeaient à des prix négatifs, les investisseurs cherchant désespérément à se débarrasser de certains barils de pétrole américain dans un marché saturé. Ils étaient prêts à payer pour trouver preneur. Il y a "Trop de pétrole, avec nulle part où le mettre", résume simplement, dans le Financial Times, Kit Juckes, un analyste senior de la Société Générale basé à Londres. Cette chute est due à deux raisons.
Baisse de la consommation de 20 à 30 %
La première est la saturation des capacités de stockages américains, due à la baisse de la consommation mondiale. Celle-ci , prévue à un peu plus de 100 millions de barils par jour en 2020, a baissé de 20 à 30 millions de barils par jour, dont près de 5 millions de barils pour les seuls États-Unis. Or les États-Unis sont un marché relativement fermé. Le pétrole produit s’accumule rapidement dans les sites de stockages et les terminaux d’exportation sans pouvoir circuler. À l’inverse le Brent, le pétrole de la mer du Nord, beaucoup plus mobile, résiste mieux, même s’il a tout de même perdu 6 %, à 20 dollars, le même jour.
La deuxième est la guerre des prix engagée en mars par l’Arabie Saoudite et la Russie. Cela a massivement accentué la tendance baissière des cours. Depuis le cartel pétrolier et ses alliés, tout comme d’autres grands producteurs comme la Norvège, le Royaume-Uni ou le Canada, ont annoncé une forte baisse de la production - environ 10 millions de barils par jour jusqu’en 2021 - mais cela n’a pas suffi à soutenir les prix.
Même si cet épisode de prix négatifs aux États-Unis est temporaire, il va être sanglant pour le secteur pétrolier américain, en particulier pour les entreprises spécialistes du pétrole de schiste. Ce milieu, déjà coutumier des faillites en série (une trentaine ces deux dernières années), risque de perdre encore de nombreux acteurs. Même les grandes sociétés vont en pâtir. Le premier a en donner un avant-goût est l’un des plus grands parapétroliers au monde Haliburton. Il a annoncé plus d’un milliard de dollars de pertes au premier trimestre 2020 et un plan d’économie de plus d’un milliard en conséquence.
Ludovic Dupin avec AFP