Publié le 27 octobre 2016
ÉNERGIE
Climat : Crédit agricole et Société générale arrêtent de financer le charbon
À une semaine de la tenue du Climate Finance Day à Casablanca, et de l’ouverture de la COP22 à Marrakech dans la foulée, les deux grandes banques françaises annoncent la fin de leurs financements à tout nouveau projet ou extension de centrale à charbon. Crédit agricole et Société générale s’alignent ainsi sur les mesures déjà prises par Natixis. Une avancée importante.

Greg Baker / AFP
Crédit agricole et Société générale viennent de franchir une nouvelle étape vers leur sortie du charbon. L’année dernière, en amont de la COP21, les deux banques avaient annoncé la fin de leur soutien aux projets de mines de charbon et de centrales à charbon dans les pays à hauts revenus. Cette fois, elles font un pas de plus en excluant de leurs financements tout projet de nouvelle centrale à charbon ou d’extension (en dehors des engagements déjà pris), partout dans le monde, y compris dans les pays en développement.
"Le retournement du secteur du charbon s’est imposé sans doute plus rapidement que ce à quoi nous nous attendions. La conjonction des données économiques, politiques et réglementaires nous a poussés à aller plus loin par rapport à nos engagements pris en 2015. Il s’agit également d’être cohérents vis-à-vis des attentes de nos clients engagés en matière de lutte contre le dérèglement climatique et d’encourager une transition énergétique plus rapide, y compris dans les pays en développement", explique Stanislas Pottier, directeur du Développement durable au sein du groupe Crédit agricole.
"Société générale et Crédit agricole s’alignent sur Natixis, qui avait compris dès 2015 que la seule politique climatique valable était celle qui excluait tout financement de projet de nouvelle centrale à charbon, partout dans le monde", réagit Lucie Pinson, chargée de campagne Finance privée / Coface aux Amis de la Terre France. Si l’ONG salue des "annonces qui vont dans la bonne direction", elle regrette toutefois que les deux banques ne se retirent pas de projets en cours extrêmement polluants en Indonésie ou en République dominicaine.
Crédit agricole exclura les entreprises trop dépendantes du charbon
Crédit agricole est ainsi pointé du doigt pour le financement de deux extensions de centrales à charbon en Indonésie : Tanjung Jati B2 (à laquelle participe également Société générale) et Cirebon 2. "Nous sommes engagés dans ces projets depuis un certain temps au côté d'acteurs japonais, les financements sont en cours ; ce seront les derniers", promet Stanislas Pottier.
Au delà des financements de projets, Crédit agricole s’engage également à ne plus financer les entreprises majoritairement dépendantes du charbon, que ce soit pour l’extraction ou la production d’électricité. La banque est notamment accusée de détenir des obligations à hauteur de 16,5 millions de dollars dans Exim Bank of India, l’un des financeurs du projet de centrale à charbon qui menace un site classé au patrimoine mondial de l’Unesco au Bangladesh.
"Exim Bank of India est l’un des acteurs publics incontournables en Inde pour le financement de grands projets. Il finance aussi les énergies renouvelables et fait partie de l’Alliance solaire internationale. Nous en détenons des obligations via des Fonds Amundi spécialisés sur les grands pays émergents, et nous avons sensibilisé l’entreprise par rapport à ce projet qui ne rentre pas dans le cadre de notre politique climat", explique le directeur du développement durable.
Société générale s’aligne sur le scénario 2°C
De son côté, Société générale a publié de nouvelles politiques sectorielles sur les financements des mines et des centrales thermiques au charbon. Concernant les centrales à charbon, elle ajoute deux exceptions pour celles disposant d’un système de captage et stockage de CO2 "opérationnel" et celles fonctionnant en cogestion (hors des pays de l’OCDE à hauts revenus).
Mais la banque va plus loin, puisqu’elle entend s’aligner sur le scénario 2°C de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) hors Chine. Elle se donne ainsi comme objectif de réduire son exposition liée à l’extraction de charbon de 14% d’ici 2020 et de limiter la part du charbon dans le mix énergétique qu’elle finance à 19%, toujours à horizon fin 2020. Ce taux est aujourd’hui de 26%.
"Nous créons une limite climatique. C’est une approche de pilotage très novatrice et une évolution majeure dans le secteur de la finance. De plus, cela nous permet d’instaurer un discours positif avec nos clients. Plutôt que de les exclure, nous les accompagnons dans leur transition énergétique", explique Jean-Michel Mepuis, directeur RSE du groupe Société générale.
Par ailleurs, la banque s’engage à ne pas entrer en relation avec de nouveaux clients dont le chiffre d’affaires (au niveau groupe) est à plus de 50% lié au charbon. Elle va également s’abstenir d’intervenir dans les opérations d’acquisition/vente de centrales ou de mines de charbon, dès lors que le chiffre d’affaires de l’entreprise acquéreuse est à plus de 30% lié à des activités du secteur du charbon ou à plus de 50% lié à la production d’électricité avec une part consacrée au charbon supérieure à 30%.
De l’urgence d’agir
Première banque française, BNP Paribas reste pour l’heure silencieuse sur de nouveaux engagements. En amont de la COP21, elle s’était engagée à ne plus financer les projets de mines de charbon et les centrales à charbon dans les pays à hauts revenus (selon la nomenclature de la Banque mondiale). Dans les autres pays, elle a promis de renforcer les critères de sélection, en ne finançant que les entreprises qui s’engagent à diminuer la part de charbon dans leur production. "BNP Paribas se retrouve une nouvelle fois à la traîne des avancées climatiques", regrettent Les Amis de la Terre.
Selon un rapport de Oil Change International publié en septembre, les réserves de charbon, pétrole et gaz déjà en exploitation contiennent assez de carbone pour nous faire dépasser le seuil des 2°C et l’extraction des seules réserves de pétrole et de gaz nous mènerait au-delà des 1,5°C.
Concernant la production d’électricité, un autre rapport de l’université d’Oxford démontre qu’aucune nouvelle infrastructure carbonée ne doit être construite après 2017, à moins que d’autres soient fermées avant la fin de leur durée de vie, démantelées ou modernisées.