Publié le 25 mars 2021

ÉNERGIE

La France lance une grande offensive nucléaire, soucieuse de son avenir énergétique

Tandis que le Haut-Commissaire François Bayrou presse la France de préserver son nucléaire, Emmanuel Macron écrit à la Commission européenne pour intégrer l’atome dans les plans de neutralité carbone de l’Union. Sans une telle prise en compte, la France peinera à financer de nouveaux réacteurs nucléaires, un besoin urgent alors le parc approche de ses 50 ans et que les renouvelables peinent à monter en puissance.

Emmanuel Macron et Jean-Bernard Lévy, PDG d'EDF, en visite sur un site nucléaire.
@GuillaumeSouvat/AFP

C’est une période compliquée pour l’énergie nucléaire. Alors que les grands choix de transition énergétique en Europe font l’impasse sur la production électronucléaire, la France doit investir massivement dans son large parc de réacteurs. Emmanuel Macron, s’il a bien fermé la centrale de Fessenheim, n’a jamais caché son soutien à cette industrie et a lancé un plan en plusieurs étapes ces derniers jours pour soutenir la filière française.

Tout d’abord le Haut-Commissaire au Plan, François Bayrou, mène le combat en France. Mardi 23 mars, six mois après sa prise de fonction, celui a-ci a présenté une note sur la nécessité de maintenir une importante production d'électricité d'origine nucléaire. "Est-il possible d'obtenir une production suffisante d'énergie électrique, dans le respect de nos engagements en matière de décarbonation et en cohérence avec la hausse considérable et programmée de la consommation, tout en supprimant tout ou partie de notre parc de production nucléaire?", s'interroge François Bayrou. "La réponse est assurément non", assure-t-il.

La Taxonomie au cœur des enjeux

De son côté, Emmanuel Macron monte au front au niveau Européen. Il a cosigné une lettre adressée à la commission européenne au côté de six autres dirigeants européens, dont Victor Orban, Premier ministre de la Hongrie, et Mateusz Morawiecki, Premier ministre de la Pologne. Il s’agit "d’un appel d'urgence pour assurer des règles du jeu équitables pour l'énergie nucléaire dans l'UE, sans l'exclure des politiques et des avantages climatiques et énergétiques", indique le texte.

Cet appel intervient en pleine discussion à Bruxelles sur la future "taxonomie" verte européenne, qui doit flécher les financements pour atteindre une baisse de 55 % des émissions de CO2 en 2030 et la neutralité carbone en Europe en 2050. Le nucléaire, qui compte pour un quart de l’électricité du continent, en est exclu malgré ses très faibles émissions, en raison de la problématique des déchets. En revanche, le gaz fossile y est en partie intégré, ce qui soulève la colère de la filière.

"Il y a nécessité d’inclure le nucléaire dans la taxonomie", martelait pour sa part le ministre de l’économie Bruno le Maire jeudi 25 mars lors d’une conférence sur la finance à impact. L’enjeu est énorme puisque cette inclusion "permettra de diminuer le coût du capital du nucléaire (un quart des coûts à la construction)", explique sur Twitter Nicolas Goldberg, expert de l’énergie chez Colombus Consulting.

Urgence énergétique

Dans les Échos, une source gouvernementale confirme que "ce texte conditionne la capacité d'obtenir des financements verts. Le cadre qu'il crée pour la finance durable pourrait à l'avenir inspirer aussi les règles européennes en matière d'aides d'État ou les contraintes en matière de dette publique". Or justement, la France va devoir lancer la construction de plusieurs réacteurs nucléaires dans les années à venir afin de remplacer une partie du parc existant. Celui-ci a été construit dans les années 1980 et atteindra 50 ans à partir de 2030. "Une décision qui doit être prise dans les deux ans qui viennent", juge François Bayrou.

La France est dans une forme d’urgence énergétique, en raison de la procrastination de la décennie passée sur ses choix énergétiques. La France a fermé Fessenheim et engagé la fermeture des centrales à charbon. Mais dans le même temps, le parc nucléaire a vieilli et son entretien a été retardé par la pandémie de Covid-19, tandis que les renouvelables, en particulier l’éolien offshore, sont en retard à cause de fortes oppositions locales. À tel point que RTE (Réseau de Transport Électrique) prévient que pour les trois ans à venir, la France va manquer de marges de production en cas d’hiver froid.

Ludovic Dupin @LudovicDupin


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