Publié le 18 octobre 2022
ÉCONOMIE
Partage de la valeur, inflation, retraites, inaction climatique… les ingrédients d’une explosion sociale sont-ils réunis ?
Dans un climat social particulièrement tendu, les syndicats, salariés, partis politiques et étudiants appellent à une journée d'action nationale interprofessionnelle mardi 18 octobre 2022. Plusieurs secteurs ont déjà manifesté leur exaspération au moyen de grèves préventives, à l’image des salariés de TotalEnergies, d’Exxon ou ceux de la grande distribution.

JULIEN DE ROSA AFP
Deux jours après la marche contre la vie chère de la Nupes organisée le 16 octobre 2022, c’est désormais au tour des syndicats et travailleurs d’entrer dans l'arène de la contestation. Un appel à la mobilisation a été lancé par la CGT, FO, Solidaires, la FSU, accompagnés des organisations de jeunesse Fidl, Unef, MNL et la Vie lycéenne pour mardi 18 octobre. Alors que l'agenda social et économique s'annonce chargé, avec le vote du budget et la prochaine réforme des retraites, les syndicats espèrent frapper un grand coup.
L'enjeu de la manifestation est une bataille pour "les salaires et la défense du droit de grève". Le mouvement social touche déjà les raffineries et EDF. Un "élargissement (...) à toutes les entreprises de l'énergie" est envisagé par la CGT et FO. Par ailleurs, à la SNCF et la RATP, la CGT-Cheminots et Sud-Rail ont également fait part de leur participation à la grève. Des préavis ont aussi été déposés pour les trois versants de la fonction publique (État, territoriale et hospitalière) par L'UFSE-CGT, premier syndicat du secteur. Les agents territoriaux dans les écoles mais aussi les crèches publiques devraient notamment être touchés. La CFDT-Santé, premier syndicat dans le secteur de l'hospitalisation privée, a aussi appelé à la grève dans les cliniques et maisons de retraite à but lucratif.
Les renseignements craignent une contagion du mouvement
Les salariés font cause commune et demandent une meilleure répartition de la valeur via une hausse des salaires. D’autres secteurs non encore déclarés pourraient aussi participer au mouvement, c’est la crainte des services de renseignements. Dans une note consultée par Le Parisien, les services de renseignement territoriaux alertent sur une "contagion aux branches interprofessionnelles qui semble se matérialiser". Des acteurs stratégiques sont cités, comme les "dockers, agents portuaires ou encore agents de centrales nucléaires et du secteur automobile".
Des secteurs ont déjà sonné l’alerte. À l’image des raffineries où les salariés avaient mené des grèves préventives dès le mois de mars, des actions ont déjà eu lieu dans des enseignes de grande distribution. Une partie du personnel de Monoprix se mobilise depuis le printemps ainsi que dans certaines enseignes du groupe Mulliez, chez Auchan ou Chronodrive notamment. Au printemps, Amazon était aussi touché par une vaste mobilisation.
Plus globalement, de plus en plus de Français disent "appartenir à une France en colère et très contestataire". Ils étaient 36% en octobre, soit 6 points de plus en un an, selon l’enquête "Fractures Françaises" réalisée par Ipsos-Sopra Steria pour Le Monde. "La situation est très éruptive, notamment chez ceux qui ont l’habitude de se mobiliser", confie Brice Teinturier, directeur général d'Ipsos, à Challenges.
Multiplication des facteurs de colère
L’inflation est notamment un "facteur symbolique qui peut susciter une déflagration sociale", analyse le spécialiste. Il s’agit du premier sujet de préoccupation personnelle des Français (54% le jugent prioritaire, 20 points de plus que pour l’environnement), selon Ipsos et alors que les Français ont le sentiment que les inégalités se creusent.
La réforme des retraites pourrait par ailleurs "être considérée comme une provocation, sur un terreau déjà inflammable", ajoute Brice Teinturier. D’autant que les réquisitions ordonnées par le gouvernement pour faire refonctionner les raffineries touchées par les grèves ont "mis le feu aux poudres", estime le secrétaire général de la CGT Philippe Martinez.
L’inaction climatique achève de créer la crispation d’une partie de la population. Ainsi, fin septembre sonnait le retour des grèves mondiales pour le climat à l'initiative de Fridays for Future. En France, des élèves de 500 établissements scolaires se sont mobilisés pour appeler le gouvernement à agir rapidement face à l’urgence climatique et à suivre les recommandations du Giec. Le mouvement est ravivé par la perspective de grands rendez-vous sur le climat et notamment la COP27. La convergence des luttes tant redoutée par l'État pourrait-elle se concrétiser ?
Mathilde Golla @Mathgolla