"Les énergies renouvelables variables font exploser le prix de l’électricité", "Les énergies renouvelables sont inefficaces ou inutiles", "Le soutien de l’Etat aux énergies renouvelables est gigantesque"…Cet été, la désinformation climatique, notamment autour des énergies renouvelables, a triplé par rapport au début de l’année. Rien que pour le mois de juin 2025, en plein débat parlementaire sur la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE3), on compte près de 120 cas de désinformation climatique, sur 529 cas identifiés depuis janvier à la télévision et la radio française.
C’est ce que révèle la nouvelle étude des ONG Data For Good, QuotaClimat et Science Feedback, publiée ce mercredi 22 octobre. Depuis le début de l’année, 70% des cas de désinformation climatique ont ciblé le secteur énergétique, et plus spécifiquement les énergies renouvelables. Et 40% des cas observés en 8 mois d’analyse l’ont été sur les 3 semaines précédant le vote de la PPE3 au Parlement. Avec un impact très concret : un moratoire sur le développement des nouvelles installations d’énergies renouvelables a été voté à l’Assemblée nationale avant d’être finalement supprimé.
"Erosion de la capacité démocratique"
"Il est souvent difficile de mesurer l’impact de la désinformation climatique sur des phénomènes souvent multifactoriels, mais dans ce cas-là c’est tout à fait concret puisque l’exposé des motifs justifiant le moratoire reprenait un argument de désinformation", explique à Novethic Eva Morel, secrétaire générale de QuotaClimat. L’argument en question attribuait le black-out survenu fin avril 2025 en Espagne et au Portugal aux énergies renouvelables "intermittentes", alors que l’enquête du gouvernement espagnol a démontré que cette panne électrique était due à une défaillance d’infrastructures dans le réseau de transport d’électricité, sans rapport avec la part des énergies renouvelables.
"Cet épisode montre comment une affirmation fausse, propagée sur les réseaux sociaux puis amplifiée par certains médias, a fini par justifier une décision législative majeure", pointe le rapport. L’enjeu ne se limite plus à la circulation de "fake news" : il s’agit désormais d’une érosion de la capacité démocratique à protéger l’intérêt général face à des stratégies de manipulation délibérées, souvent soutenues par des secteurs économiques fortement émetteurs et par des forces politiques hostiles à la transition."
Le rapport cite aussi les impacts économiques de la désinformation autour des éoliennes. Selon le syndicat des énergies renouvelables (SER), seules 267 MW de nouvelles capacités éoliennes ont été installées au cours des six premiers mois de l’année (2025), soit le niveau le plus bas des vingt dernières années. Ce ralentissement, qualifié de "moratoire qui ne dit pas son nom" par le SER, "résulte des campagnes de désinformation et du matraquage idéologique, qui ont conduit à l’absence d’un cadre pluriannuel stable et d’une feuille de route énergétique nationale", insistent les auteurs du rapport.
CNews et Sud Radio en queue de peloton
Plus généralement, ce sont les solutions et l’action climatiques qui tentent d’être décrédibilisées. "Nous avons basculé dans une nouvelle forme de déni climatique où ce n’est plus l’existence du changement climatique qui est niée mais la confiance dans la viabilité des solutions et la légitimité des messagers qui sont remises en cause", analyse Eva Morel. Les ONG alertent en outre sur un phénomène en plein essor en France avec 529 cas de mésinformation climatique (définis par l’absence de volonté démontrée du locuteur de nuire) et 19 narratifs (définis comme des discours faux ou trompeurs) recensés en huit mois.
La chaine d’info en continu CNews arrive en tête avec 164 cas recensés, et un cas de mésinformation identifié par heure d’information sur le changement climatique. Chez Sud Radio, c’est un cas toutes les 40 minutes. En juillet 2024, CNews avait été sanctionné financièrement pour avoir permis à l’un de ses invités de défendre une thèse controversée sur l’origine humaine du changement climatique, sans qu’aucune contradiction n’ait été apportée.
Le rapport met en lumière plusieurs facteurs qui alimentent la désinformation climatique dans l’espace médiatique. Il souligne notamment le recours fréquent, dans certains discours politiques — en particulier ceux de l’extrême droite — à des affirmations trompeuses ou infondées sur le changement climatique. Un exemple marquant est la fausse information, relayée par le Rassemblement national, selon laquelle l’État subventionnerait les énergies renouvelables à hauteur de 300 milliards d’euros.
Le rapport pointe également l’influence persistante de certains intérêts économiques (secteurs des énergies fossiles, de l’automobile, de l’assurance ou de l’agriculture) historiquement implantés dans le débat public. S’ajoutent à cela une couverture médiatique souvent fragmentaire et irrégulière des enjeux environnementaux, ainsi que l’orientation idéologique de certains actionnaires de groupes de presse.
En France, une proposition de loi déposée par le député Stéphane Delautrette et portée par une coalition transpartisane de près de 100 députés vise "à garantir le droit d’accès du public aux informations relatives aux enjeux environnementaux et de durabilité".