À moins d’un mois de la COP30, que le Brésil s’apprête à accueillir dans la ville de Belém, en Amazonie, la décision fait l’effet d’un séisme. L’institut brésilien de l’environnement (Ibama) a donné, le 20 octobre, son feu vert à un forage pétrolier exploratoire mené par la compagnie publique Petrobras dans le bassin de Foz do Amazonas. Une zone sensible, à 175 kilomètres des côtes de l’État d’Amapá, au nord du pays, et à 500 km de l’embouchure du fleuve Amazone.
L’exploration, prévue pour durer cinq mois, doit débuter “immédiatement”, selon Petrobras, qui assure avoir respecté “toutes les exigences” environnementales de l’Ibama. Il affirme par ailleurs ne chercher qu’à “obtenir des données géologiques“, sans production prévue à ce stade. Le site se trouve dans la Marge équatoriale, une région offshore de plus de 2 000 kilomètres de long, considérée comme la “nouvelle frontière énergétique” du pays. Elle est voisine du Guyana, où d’immenses réserves ont récemment été découvertes.
Une exploration “stratégique pour la souveraineté énergétique”
Pourtant, la décision est largement dénoncée par des ONG, des scientifiques et des élus. Elle expose avec force les contradictions du président Luiz Inácio Lula da Silva, qui a bâti une partie de son image internationale sur la protection de l’Amazonie et le leadership climatique. “Lula vient d’enterrer sa prétention à être un leader climatique au fond de l’océan”, a dénoncé Suely Araújo, ancienne présidente de l’Ibama et aujourd’hui coordinatrice des politiques publiques à l’Observatoire du climat.
De nombreux élus, dont la députée Livia Duarte (Pará) et le député Ivan Valente (São Paulo), réclament l’interdiction pure et simple de toute activité extractive en Amazonie, qualifiée de “région critique pour la biodiversité et le climat mondial”.
La présidence brésilienne se défend : pour le ministre de l’Énergie Alexandre Silveira, cette exploration est “stratégique pour la souveraineté énergétique” du pays et conforme aux “standards environnementaux internationaux”. Le Président a par ailleurs déclaré que l’argent du pétrole servirait à financer la transition énergétique.
“La COP de l’Amazonie”
Plusieurs organisations dont 350.org et Observatório do Clima ont d’ores et déjà annoncé des recours en justice pour contester la validité de la licence, évoquant des irrégularités dans la procédure. Le processus d’autorisation, censé avoir été “rigoureux” selon l’Ibama, est en effet remis en cause. En février 2025, une note technique interne de l’agence elle-même recommandait de rejeter la demande de licence, citant un “risque élevé de perte de biodiversité” dans un écosystème marin “hautement sensible”. Le même rapport soulignait des lacunes sur la prise en compte des impacts sur les populations autochtones. Le site d’exploration se situe non loin des territoires de peuples tels que les Wayãpi. En cas d’accident, une marée noire pourrait affecter jusqu’à 80 % des mangroves brésiliennes.
Pour Paulo Artaxo, physicien membre du GIEC, “ouvrir de nouveaux champs pétroliers ne fera qu’aggraver la crise climatique et va clairement à l’encontre des intérêts du peuple brésilien”. Alors que la COP30 doit être “la COP de l’Amazonie”, organisée pour la première fois au Brésil, cette annonce risque d’affaiblir la capacité du pays à entraîner la communauté internationale vers une sortie des énergies fossiles.