Publié le 2 octobre 2025

Accusé de vendre des produits déséquilibrés, fragilisé en interne et sous pression de ses actionnaires, Nestlé lance un nouveau plan nutrition à cinq ans pour reconquérir le marché européen. Une transformation qui doit convaincre au-delà des promesses.

Nestlé change ses recettes pour faire passer l’arrière-goût des scandales. Le 30 septembre dernier, le géant suisse de l’agroalimentaire a dévoilé sa feuille de route européenne pour les cinq prochaines années. Elle vise à “rapprocher les aspirations des consommateurs de leur quotidien” en matière d’alimentation, selon le communiqué. Le groupe affirme que “93 % des Européens souhaitent mieux manger, mais seulement 9 % estiment y parvenir”. Un écart qu’il entend combler en “rendant l’alimentation plus saine et irrésistible pour toutes les familles en Europe”.

Pour atteindre ce cap, Nestlé mise sur la reformulation de ses recettes (réduction de sel, sucre, ajout de fibres ou protéines), le développement de formats réduits et de “snackings plus sains” tout en maintenant l’affichage du Nutri-Score, malgré le durcissement de ses critères. Des géants comme Danone, considéré comme un pionnier du Nutri-Score, avait par exemple choisi de retirer ce logo nutritionnel d’une partie de ses produits en septembre 2024 jugeant qu’il apportait une “vision erronée de la qualité nutritionnelle” des produits concernés. En maintenant l’affichage du Nutriscore, Nestlé entend donc envoyer un signal fort, d’autant qu’il affirme que 62% de ses produits vendus en Europe affichent un A ou un B. “Nous avons été pionniers dans l’adoption du Nutri-Score et nous avons adopté le nouvel algorithme dès 2024”, confirme-t-il.

Pression actionnariale

En septembre 2023, Nestlé s’était déjà engagé à augmenter de 50% la part des produits “plus nutritionnels” dans ses ventes d’ici 2030. Une promesse jugée insuffisante par plusieurs observateurs, d’autant qu’elle incluait alors des produits comme le café, qui n’apportent pas de valeur nutritionnelle significative. L’ONG ShareAction avait d’ailleurs porté une résolution à l’Assemblée générale du groupe en avril 2024 pour contraindre le géant de l’agroalimentaire à se fixer des objectifs de ventes de produits sains plus ambitieux.

Trois ans plus tôt, en juin 2021, un document interne au groupe ayant fuité dans le Financial Times affirmait que 60% des produits de Nestlé étaient mauvais pour la santé. “Nous avons considérablement amélioré nos produits” mais “notre portefeuille est toujours sous-performant par rapport aux définitions externes de la santé dans un paysage où la pression réglementaire et les demandes des consommateurs montent en flèche”, commentait le document interne.

Crise de gouvernance et scandales

Si le plan quinquennal européen porté par Nestlé mise sur des aliments plus sains, il va encore falloir renouer la confiance avec les consommateurs et les investisseurs car le groupe enchaine les crises. En cinq ans, Nestlé a perdu près de 30% de sa valeur en Bourse. En interne, la gouvernance a vacillé en cette rentrée avec le licenciement de Laurent Freixe, patron de Nestlé Europe, à la suite d’une relation non déclarée avec une subordonnée. Quelques jours plus tard, c’est Paul Bulcke, président du conseil d’administration, qui annonçait son départ, poussé vers la sortie par des actionnaires lassés.

Ces remous s’ajoutent à un passif déjà chargé. En 2022, l’affaire des pizzas Buitoni contaminées à l’E.coli en France avait choqué les citoyens. Plus récemment, des révélations sur des eaux minérales retraitées ou des soupçons de forages illégaux ont encore affaibli la crédibilité du groupe sur les questions de responsabilité. Pour les salariés, l’inquiétude monte. Lundi 29 septembre, ceux des sites vosgiens de Vittel et Contrexéville ont manifesté contre la possible vente de Nestlé Waters, qui comprend des marques comme Perrier ou Vittel. Selon les syndicats, l’avenir de 5 500 salariés est en jeu.

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