Les voix continuent de s’élever contre le projet de dérégulation du Green Deal porté par les droites européennes. Alors que la procédure législative dite “omnibus” suit son cours au Parlement et au Conseil européen, 260 chercheurs de tout le continent viennent de publier une déclaration commune, dite déclaration de Copenhague, exhortant les dirigeants européens à maintenir l’ambition des normes de durabilité pour les entreprises européennes, et notamment la CSRD (directive sur le reporting de durabilité) et la CS3D (directive sur le devoir de vigilance des entreprises).
Remettre en cause les réglementations de durabilité “met en péril les conditions nécessaires pour le succès des entreprises européennes dans un monde de plus en plus marqué par les risques climatiques, l’évolution des attentes des investisseurs et la demande croissante de transparence et de sens” jugent ainsi les scientifiques, professeurs et chercheurs, issus des plus grandes universités européennes.
Une dérégulation non alignée avec les preuves scientifiques
Les chercheurs estiment notamment que le projet de déréglementation omnibus a été mené sans reposer sur une évaluation scientifique rigoureuse, en exagérant en particulier le “fardeau administratif” que constitueraient les obligations de durabilité. Une critique déjà partagée par de nombreux acteurs européens : en avril dernier, associations et parties-prenantes européennes avaient ainsi saisi la médiatrice européenne, arguant notamment de l’absence d’étude d’impact sérieuse menée préalablement à l’omnibus. Citant plusieurs études scientifiques et études d’impact, les chercheurs affirment que le “reporting de durabilité ou le devoir de vigilance […] augmentent notamment la compétitivité à long terme et la performance financière” des entreprises, mais aussi “la responsabilité, la transparence et les résultats” de l’économie.
En outre, la remise en cause des plans de transition climatique obligatoires pour les entreprises risquerait d’affaiblir significativement l’engagement des acteurs privés en matière de contribution à la décarbonation. Une mesure qui réduirait considérablement les chances pour l’Europe d’atteindre ses objectifs climatiques, alors que l’économie européenne est de plus en plus affectée par le changement climatique.
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Préserver un seuil d’application à 500 salariés
Pour maintenir les ambitions de durabilité de l’Europe, les signataires de la déclaration de Copenhague estiment que les obligations de reporting devraient être maintenues pour les entreprises de plus de 500 salariés en Europe. La mesure permettrait de préserver la cohérence juridique en s’alignant sur le seuil d’applicabilité de la NFRD (Non-financial reporting directive), en vigueur depuis 2014, et d’éviter l’incertitude normative pour les entreprises. La préservation de la directive sur le devoir de vigilance permettrait également de favoriser l’harmonisation juridique, en maintenant l’alignement de l’Europe sur les standards internationaux en matière de gestion des risques sociaux et environnementaux.
L’appel fait suite à de nombreuses prises de position d’acteurs européens et internationaux visant à défendre le Green Deal européen et les normes écologiques et sociales du continent. Il y a quelques semaines, la Banque Centrale européenne appelait elle aussi à maintenir les normes écologiques européennes et notamment un seuil d’application à 500 salariés, contre 1000 à 3000 dans les propositions actuelles portées par la droite au Parlement européen. La dirigeante de l’institution bancaire européenne, et ex-présidente du Fonds monétaire international (FMI), Christine Lagarde, rappelait ainsi en août que la remise en cause des normes de reporting entraverait la capacité de l’Europe à “évaluer les risques financiers liés au climat”, et à terme à maintenir sa stabilité économique et financière.
De leur côté, la société civile et le monde associatif continuent eux aussi de se mobiliser pour dénoncer les reculs en cours en matière écologique et sociale en Europe. La semaine dernière, 470 organisations et associations européennes ont ainsi dénoncé les projets de dérégulation en cours, et les “risques de démantèlement des protections garantissant des conditions de travail équitables, la durabilité environnementale et la confidentialité numérique, menaçant des décennies de progrès”.