EDF parie sur le numérique. Jeudi 4 septembre, l’énergéticien a annoncé avoir signé un contrat d’approvisionnement nucléaire de long terme avec Data4, un opérateur français de centres de données. Grâce à cette opération, l’entreprise qui gère trois campus de data centers dans l’Hexagone, bénéficiera de 40 mégawatts chaque année, sur une capacité de production nucléaire totale d’environ 60 000 mégawatts. Le partenariat, conclut pour une durée de douze ans, débutera dès le 1er janvier 2026.
Une première alors que l’approvisionnement en énergie décarbonée devient un enjeu crucial pour les acteurs du numérique, soucieux de maintenir leurs objectifs de neutralité carbone. “Cette initiative est d’autant plus cruciale dans un contexte d’accroissement des besoins liés à l’économie numérique, notamment avec l’essor de l’intelligence artificielle (IA)”, note EDF dans un communiqué. Selon un rapport de l’Agence internationale de l’énergie, les centres de données consomment en effet 1,5% de l’électricité produite actuellement dans le monde. Des besoins qui pourraient doubler d’ici seulement 2030. Et qui posent la question du partage de la production d’électricité décarbonnée.
Un “paradis énergétique”
En Irlande, dont la fiscalité avantageuse attire depuis de nombreuses années les entreprises de la tech, l’implantation croissante de data centers fragilise d’ores et déjà les réseaux électriques du pays. Ces infrastructures représenteraient déjà 21% de la demande nationale, indique l’Ireland’s Central Statistics Office. De quoi pousser à la fuite des centres de données vers d’autres territoires. Une aubaine pour la France qui ne cache pas son ambition : devenir un “paradis énergétique” pour les “usines de demain” que sont les data centers.
Lors du sommet de l’IA qui s’est tenu en février dernier à Paris, le président Emmanuel Macron a ainsi annoncé 109 milliards d’investissements futurs dans l’intelligence artificielle, une grande partie de ce montant étant fléchée vers des projets de construction de centres de données. Cette montée en puissance fait pourtant craindre des conflits d’usage à l’heure de l’électrification massive des transports ou encore de l’industrie. “Il ne faut pas que l’utilisation d’électricité par les centres de données sur le territoire français empêche la transition énergétique plus largement”, explique au Monde Marlène De Bank, ingénieure de projet numérique au sein du Shift Project.
Vers des conflits d’usage ?
De son côté, EDF se veut rassurant. “La France dispose largement de l’électricité nécessaire pour accueillir ces centres de données, sans impact sur nos autres besoins énergétiques, estime dans une interview à l’ADN Stéphane Raison, directeur en charge de l’installation de grands sites de consommation pour EDF. En 2024, le volume des exportations françaises vers des pays voisins s’élevait à 89 térawattheures (TWh) d’électricité”. A titre de comparaison, la consommation énergétique des centres de données en France pourrait atteindre entre 50 et 70 TWh d’ici 2035, contre 12 TWh en 2022, selon le Conseil économique, social et environnemental.
Pour satisfaire ces potentiels nouveaux clients, EDF va même plus loin. L’énergéticien souhaite mettre à disposition quatre friches industrielles lui appartenant pour la construction de data centers. L’avantage, ces sites sont “capables d’accueillir rapidement des projets à forte consommation électrique”, ces derniers “bénéficiant d’un raccordement favorable au réseau”. Le groupe a ainsi lancé début mars deux appels à manifestation d’intérêt (AMI) à destination des entreprises de la tech. Deux autres sites devraient par ailleurs être mobilisés d’ici 2026.