C’est à nouveau la crise chez Nestlé. Le géant suisse de l’alimentation a annoncé dans un communiqué lundi 1er septembre le licenciement “avec effet immédiat” de Laurent Freixe, à la tête de l’entreprise depuis seulement un an. Son départ fait suite “à une enquête sur une relation amoureuse non divulguée avec un subordonné direct”, violant ainsi le Code de conduite du groupe. “Les valeurs et la gouvernance de Nestlé constituent les fondements solides de notre entreprise”, a réagi le président du conseil d’administration, Paul Bulcke.
Laurent Freixe n’avait pas été nommé par hasard. Il succédait à Mark Schneider, poussé vers la sortie en août 2024 après sept années à la tête du groupe. Cette transition s’inscrivait déjà dans un contexte difficile, marqué par une perte de confiance généralisée et une image ternie. Laurent Freixe devait incarner une nouvelle ère. Un an plus tard, son départ précipité symbolise au contraire la continuité des problèmes internes.
Philipp Navratil, vétéran du groupe avec plus de vingt ans d’ancienneté, reprend aujourd’hui les rênes de l’entreprise. Il devra avant tout stabiliser une gouvernance défaillante et rétablir un semblant de sérénité auprès d’investisseurs de plus en plus inquiets. Dès le lendemain de l’annonce, l’action Nestlé chutait de 3%, preuve de la fébrilité persistante des marchés.
Chute de 30% en Bourse
Car au-delà des bouleversements à la tête du groupe, c’est toute l’image de Nestlé qui s’effondre. La série noire a commencé avec l’affaire des pizzas Buitoni contaminées à la bactérie E. Coli, provoquant plusieurs morts et une onde de choc médiatique. Puis sont venues les révélations sur des forages illégaux et le traitement non autorisé d’eaux en bouteille, deux scandales environnementaux qui ont fortement ébranlé la confiance des consommateurs.
Ces dérives ont non seulement nui à la crédibilité de Nestlé, mais ont également eu un impact concret sur sa performance financière. En cinq ans, le titre a perdu 30% de sa valeur. Un chiffre qui reflète moins une baisse de rentabilité qu’une véritable crise de réputation. Pour les analystes, la priorité est claire : sortir Nestlé du “cycle de gros titres négatifs”, selon les mots de Jean-Philippe Bertschy, expert chez Vontobel, interrogé par l’AFP. Mais cette tâche s’annonce ardue. Le double départ de Mark Schneider puis de Laurent Freixe en un an illustre une instabilité chronique au sommet.
De la sphère privée à la crise institutionnelle
Nestlé, longtemps considéré comme une forteresse helvétique de l’agroalimentaire mondial, est désormais perçu comme un géant fragilisé. Cette situation est aussi le symbole d’un changement de curseur. Là où des relations “romantiques” pouvaient être perçues en Europe comme relevant de la sphère privée, elles deviennent aujourd’hui un facteur de crise institutionnelle. Ce changement trouve en partie son origine dans le monde anglo-saxon, et plus particulièrement aux États-Unis, où la crainte d’un risque juridique et réputationnel a poussé les entreprises à codifier strictement les comportements.
Cette culture s’impose peu à peu aux grands groupes européens, soucieux d’éviter tout scandale ou procès. On l’avait déjà vu dès 2016, lorsque le patron de Booking.com avait été évincé pour une liaison avec une employée. Nestlé, à son tour, applique cette logique de tolérance zéro, quitte à déclencher une nouvelle crise.