Publié le 24 juillet 2025

Au lendemain des soldes d’été, les commerçants font grise mine. Dans le secteur du prêt-à-porter, déjà malmené, les ventes sont en baisse de 5%. Une désaffection alimentée par la baisse du pouvoir d’achat mais aussi par les nouvelles habitudes de consommation des Français, entre ultra fast-fashion et mode durable.

Pour les marques de prêt-à-porter, les soldes d’été se sont achevés sur une note amère. Durant cette nouvelle période de promotion, qui s’est étendue du 25 juin au 22 juillet, les ventes en magasin ont décliné de près de 5% par rapport à 2024, après deux années positives. En ligne, le constat est similaire avec un recul de 3%, tandis que la mode enfant a enregistré une chute 13,3%. Même les enseignes historiques de la fast-fashion, comme Zara ou H&M, n’ont pas réussi à tirer leur épingle du jeu. Pour elles aussi la baisse des ventes est évaluée à 5,2%.

“On ne tire pas la sonnette d’alarme, rassure néanmoins Yohann Petiot, directeur général de l’Alliance du Commerce auprès de l’AFP. Les ventes du premier semestre 2025, soit de janvier à juin, sont en croissance de 1,7% par rapport à la même période de 2024″. Reste que “la période des soldes n’est plus ce qu’elle était il y a 10, 15, 20 ans”, estime-t-il. Derrière ce bilan morose, le contexte macroéconomique est inévitablement pointé du doigt. L’habillement est en effet l’une des variables d’ajustement du budget des consommateurs qui se voient contraints d’arbitrer les dépenses “non essentielles”.

Ventes privées et fausses promotions

Résultat, l’enveloppe moyenne des Français destinée aux soldes d’été est passée de 307 euros l’année dernière, à 233 euros en 2024. Mais le pouvoir d’achat n’est pas le seul facteur expliquant le désamour des clients pour les soldes. Depuis quelques années, un phénomène de “lissage promotionnel” vient cannibaliser cette période biannuelle de baisse des prix. “La loi de modernisation de l’économie votée en 2007 a libéralisé le régime des promotions, explique au micro de France Inter Philippe Moati, économiste et co-fondateur de l’ObSoCo. Ça veut dire qu’aujourd’hui les vendeurs peuvent à tout moment faire des opérations de promotion sans risque juridique”.

Black Friday, ventes privées, archives… Près de 22% du chiffre d’affaires des marques de grande consommation seraient issu des promotions, selon un rapport de l’institut NielsenIQ. “Quand arrivent les soldes, il y a déjà eu beaucoup de promotions, donc on ne trouve pas forcément sa taille, le choix est moins grand, il y a les invendus des dernières saisons, c’est beaucoup moins attractif que les ventes privées”, témoigne le gérant d’un commerce de prêt-à-porter masculin interrogé par l’observatoire économique de la CCI Paris Ile-de-France.

A cela s’ajoute la pression exercée par les acteurs de l’ultra fast-fashion, dont le modèle est basé sur une offre à prix cassés. “Ce système arrive à bout de souffle à cause de la concurrence acharnée de Shein et Temu qui se fait sur la valeur du produit”, déplore auprès de Novethic Yann Rivoallan, président de la Fédération Française du prêt-à-porter féminin (FFPAPF). Début juillet, Shein a d’ailleurs été condamné à une amende de 40 millions d’euros à la suite d’une enquête de la DGCCRF. En cause, les “pratiques commerciales trompeuses” de la firme chinoise, notamment concernant “la réalité des réductions de prix accordées” qui se sont avérées fausses pour 57% des annonces vérifiées par le service du ministère de l’économie.

“Proposer le bon produit au bon prix tout au long de l’année”

Un dernier facteur réside dans l’offre de seconde main qui s’ancre de manière exponentielle dans les habitudes de consommation des Français. Selon le dernier baromètre de l’éco-organisme Refashion, ils auraient acheté plus de sept articles de textiles et chaussures d’occasion en 2023. Un appétit pour la fripe là aussi alimenté par des prix bas. En moyenne, un vêtement de seconde main coûtait 9,5 euros en 2023 contre 15,6 euros pour un vêtement neuf. “Le marché de l’occasion ne concurrence pas de manière directe les soldes, mais il perturbe les actes d’achats et la notion même de prix”, note Yann Rivoallan.

Si 87% des commerçants restent malgré tout attachés aux soldes, seule période où ils sont autorisés à vendre à perte pour récupérer de la trésorerie, certaines marques ont fait le choix de ne pas y participer, peut-être à raison. “Les enseignes qui ne font pas de soldes se sont plutôt bien comportées. Cela montre que les consommateurs recherchent des marques qui leur proposent le bon produit au bon prix tout au long de l’année”, rapporte Yann Rivoallan. Le président de la FFPAPF appelle ainsi à une réflexion globale sur les périodes de promotions. “Il faut regarder ce que d’autres acteurs font désormais pour avoir un autre regard, tout en accompagnant les Français vers une nouvelle façon de consommer”, conclut-il.

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