Nvidia, première capitalisation mondiale : les prémices d’un krach financier ?

Même pour les observateurs aguerris c’est une information à peine croyable. Nvidia, apparu au grand public il y a quelques années seulement, est désormais la première capitalisation boursière mondiale. Il a même franchi, mercredi 9 juillet, la barre des 4 000 milliards de dollars, un seuil jamais atteint par une entreprise jusqu’ici. “Lorsque la première entreprise a franchi le cap des mille milliards de dollars, c’était incroyable. Et maintenant, on parle de quatre mille milliards”, explique à Reuters Joe Saluzzi, cogestionnaire des transactions chez Themis Trading.

En 2018, Apple était en effet la seule entreprise à dépasser les 1000 milliards de capitalisation boursière. Désormais, la quasi totalité des “Magnificent seven”, les sept plus grandes entreprises américaines de la tech telles Microsoft, Meta ou Alphabet (Google), ont largement dépassé ce seuil. Nvidia, en tête de ces multinationales, vit une véritable success story, portée par l’engouement pour l’intelligence artificielle. Le fabricant de puces s’est d’abord positionné dans les jeux vidéo avant de se tourner vers l’IA. Il conçoit des GPU (Graphic processing unit) spécifiquement développés pour du calcul intensif nécessaire à l’entraînement des data centers notamment.

“La faillite des banques, assurances et fonds de pension”

Mais une telle valorisation n’est pas sans danger. Cette concentration extrême de la valeur boursière dans un petit nombre d’entreprises pose un risque systémique majeur. Une simple déception sur les résultats trimestriels ou une tension géopolitique mal anticipée pourrait entraîner une correction brutale des marchés. Or à elles sept, ces multinationales cumulent 18 000 milliards de dollars de capitalisation, soit quasiment l’équivalent du PIB des Etats-Unis. “Ces valeurs pourraient se retrouver en première ligne lors d’un krach financier”, prévenait déjà en 2024 le professeur de finance Pierre Gruson dans une tribune au Monde. Un an plus tard, qu’en est-il ? “La situation a empiré”, estime-t-il auprès de Novethic.

“En seulement un an et demi, la valeur des actions de Nvidia a été multipliée par trois. Statistiquement, il y a 70 % de chances que ces valeurs prennent ou perdent un tiers de leur valeur à court terme. Or, si elles chutent, ces actionnaires que sont les banques, les assurances, les fonds de pension pourraient faire faillite”, anticipe-t-il.

“Ça peut s’effondrer du jour au lendemain”

Dans un contexte géopolitique très tendu, le risque de dévaluation est de plus en plus fort. Sous pression des sanctions américaines, la Chine a accéléré le développement de ses propres technologies IA. Des géants comme Alibaba, Tencent, ou des start-ups telles que DeepSeek, commencent à rivaliser sérieusement avec Nvidia. En janvier dernier, les performances spectaculaires de DeepSeek ont d’ailleurs fait vaciller le géant américain en Bourse. “C’est la plus grande baisse de l’histoire jamais enregistrée”, racontait alors le Monde, comparant cette chute avec l’éclatement de la première bulle Internet de l’an 2000.

Pour l’heure, les investisseurs continuent de parier massivement sur Nvidia et les géants de la tech, sans prendre en compte l’effet domino qu’une chute de leur cours pourrait entraîner sur une économie américaine totalement dérégulée. “On n’a jamais eu un tel niveau de dérégulation et de désencadrement, estime Pierre Gruson. C’est d’autant plus risqué que la capitalisation de Nvidia par exemple repose entièrement sur du numérique et les promesses de l’IA, ça peut s’effondrer du jour au lendemain.”