Après la “start-up nation”, place au “continent start-up” ? Il y a quelques jours, la Commission européenne a dévoilé un nouveau volet de sa stratégie visant à redéfinir la compétitivité européenne : sa stratégie start-up. Un ensemble de mesures a été présenté par la Commissaire européenne sur les start-up et l’innovation Ekaterina Zaharieva et le Commissaire Stéphane Séjourné, chargé de la stratégie industrielle, avec pour objectif de booster la création de start-up en Europe, dans l’idée de réduire l’écart avec les Etats-Unis ou la Chine dans ce domaine.
Le plan de la Commission, intitulé “Choose Europe to start and scale” consiste notamment à simplifier les procédures pour le développement des start-up européennes, en particulier à travers la création d’un 28ème régime juridique, s’ajoutant aux 27 régimes juridiques existants dans les 27 Etats-membres. Un régime qui devrait permettre aux entreprises européennes d’opérer à travers toute l’Europe en bénéficiant de conditions juridiques et fiscales harmonisées et de faciliter les démarches transnationales.
Harmoniser et booster les financements
“Le marché reste fragmenté, avec des déséquilibres régionaux, et les efforts de l’Union Européenne pour transformer la recherche en produits commercialisables et en entreprises à grande échelle sont entravés par un marché unique incomplet et la fragmentation réglementaire”, explique en effet la Commission européenne, qui se fixe notamment pour objectif de réduire l’accumulation des contraintes réglementaires et juridiques pour les entreprises innovantes. Elle prévoit également de lancer, dès l’année prochaine, un European Innovation Act pour soutenir les entreprises engagées dans des procédés de recherche ou d’innovation, à travers notamment des “bacs à sable réglementaires”, qui permettront aux start-up européennes de tester des technologies en partenariat avec les régulateurs européens, sans avoir à respecter le cadre réglementaire existant, notamment sur les nouvelles technologies comme l’Intelligence Artificielle ou les nouveaux produits. Une manière sans doute de répondre au “moratoire réglementaire” proposé par Donald Trump sur l’IA.
Autre enjeu : celui du financement. L’Union Européenne devrait notamment se doter d’un fonds d’investissement public-privé, “ScaleUp Europe”, qui devrait allouer près de 10 milliards d’euros de financements aux start-up en phase de passer à l’échelle supérieure. Le rapport Draghi avait en effet pointé du doigt le retard de l’Europe en matière de “champions” d’industrie et d’innovation, et la mesure pourrait permettre de soutenir le développement de tels acteurs. Les secteurs des deeptechs et des innovations de rupture sont particulièrement visés. Les programmes d’investissements européens comme InvestEU ou le Conseil européen de l’innovation devraient également être renforcés, en même temps que l’Union planche sur son “union des marchés de capitaux” qui doit permettre aux entreprises européennes de trouver plus facilement des financements extra-bancaires. Enfin, l’Europe prévoit d’engager l’ensemble des investisseurs institutionnels dans un “pacte européen d’investissement volontaire pour l’innovation”.
La transition écologique et les greentechs absentes
Si la stratégie proposée a été globalement bien accueillie par les représentants d’intérêt européens, notamment dans le secteur de la tech, certains craignent pourtant que l’Europe passe à côté de l’opportunité de flécher sa stratégie d’innovation vers la transition écologique et les technologies bas carbone. “La stratégie échoue à reconnaître la juste place de l’innovation sociale et écologique dans la course à la compétitivité mondiale”, explique ainsi le Mouvement Impact France, syndicat patronal rassemblant les entreprises engagées dans la transformation durable de l’économie.
L’organisation patronale regrette notamment “une définition de l’innovation et de la R&D centrée sur la croissance et l’avancée technologique”. Le plan de la Commission européenne ne prévoit en effet aucun dispositif dédié à la mise en valeur des start-up dans les énergies renouvelables, la sobriété énergétique, l’économie circulaire ou encore la production durable. Ces acteurs réclament pourtant depuis plusieurs années une meilleure reconnaissance de leur contribution économique en Europe, arguant notamment de leur rôle en matière de transition écologique et d’inclusion.
“Il est urgent de repenser le soutien à l’innovation en prenant en compte les entreprises innovantes à impact, dont les solutions sont une source de compétitivité sur le long-terme et de forte rentabilité pour les pouvoirs publics”, souligne Caroline Neyron, Directrice Générale d’Impact France. En septembre dernier, le rapport Draghi pointait pourtant l’urgence pour l’Europe de renforcer sa présence dans la course aux innovations stratégiques que sont les énergies bas carbone et renouvelables ou encore les procédés de recyclage qui seront les garantes de la résilience du continent dans les prochaines décennies.