Publié le 4 juin 2025

Bonus-malus, interdiction de la publicité, taxes sur les petits colis… La loi visant à réguler les impacts environnementaux de la fast-fashion est passée lundi 2 juin dans les mains des sénateurs, avant un vote solennel le 10 juin prochain. Si certaines dispositions ont été renforcées, la plupart ne s’attaquent qu’aux grandes plateformes asiatiques, à l’instar de Shein.

Exit la mode éphémère, la proposition de loi (PPL) relative à l’impact environnemental de l’industrie textile ne devrait finalement s’attaquer qu’aux géants de l’ultra fast-fashion. C’est ce qui ressort de son examen au Sénat  lundi 2 juin. Plusieurs articles ont été largement modifiés sous l’impulsion de la Commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, éloignant le texte adopté le 14 mars 2024 à l’Assemblée nationale, de son ambition initiale.

Une grande partie des dispositions ne s’appliqueront en effet qu’aux marques de mode “ultra-express”. La définition des entreprises affectées par la loi a été resserrée pour se concentrer sur les grandes plateformes chinoises, Shein en tête. Car l’intention de la rapporteure du texte, Sylvie Valente Le Hir, est claire : il n’est pas question de pénaliser les marques dites “traditionnelles” de la mode éphémère, comme H&M, Primark ou Kiabi. “La mode à petit prix est importante pour les Français, nous souhaitons préserver ces enseignes”, a affirmé la sénatrice lors d’une conférence de presse en amont des débats dans l’hémicycle.

Jusqu’à 10 euros de pénalité en 2030

Pour justifier cette décision, elle évoque notamment les “emplois” et le “dynamisme” générés par ces entreprises “sur nos territoires”. Pourtant, ces dernières “représentent plus de 90% des ventes en Europe”, rappelle la coalition Stop fast-fashion. “C’est gravissime, ce sont ces mêmes marques qui ont créé des drames comme le Rana Plaza. Elles ont pourtant réussi à mener une véritable opération séduction en sous-marin”, estime de son côté Maud Sarda, directrice du Label Emmaüs, interrogée par Novethic.

Parmi les articles sur la sellette, le système de bonus-malus est finalement maintenu, tout comme les montants des pénalités financières. Celles-ci s’échelonneront de cinq euros minimum par produit en 2025, jusqu’à dix euros en 2030. Mais les contours de ce malus demeurent flous, regrettent les associations. “A présent, le texte les base sur certains critères de [l’affichage environnemental], sans le reprendre dans sa totalité. (…) Il est regrettable qu’un texte portant sur “l’impact environnemental de l’industrie textile” n’ait pas de critères environnementaux purs”, expliquent-elles. Malgré les réticences de la droite sénatoriale, ce dispositif touchera néanmoins tous les acteurs de la fast fashion, et non seulement les géants asiatiques, selon la ministre de la Transition écologique Agnès Pannier-Runacher.

“Périmètre d’action fortement restreint”

Autre bonne nouvelle, l’amendement proposant de réinstaurer l’interdiction totale de la publicité pour les acteurs de la mode rapide a été adopté. La disposition concernant l’encadrement de la promotion des produits issus de l’ultra fast-fashion a également été renforcée pour que toutes les collaborations entre les marques et les créateurs de contenus, “à titre onéreux ou gratuit” soient bien prises en considération. Un nouvel article voit par ailleurs le jour afin de taxer les “petits colis de provenance extra-européenne”, à hauteur de deux à quatre euros.

“Le texte qui sort des travaux du Sénat a vu son périmètre d’action fortement restreint, risquant de reléguer la PPL au statut de texte protectionniste plutôt que d’une loi prompte à répondre à l’urgence environnementale et sanitaire [de la] filière”, alerte la coalition Stop Fast-fashion dans un communiqué. L’Union des industries textiles (UIT) a quant à elle salué “un premier pas”, appelant à ce que cette loi soit “adoptée rapidement”, “même si le texte n’est pas totalement conforme à nos attentes”.

Sur RTL, le porte-parole de Shein, Quentin Ruffat a estimé que l’encadrement de l’industrie textile ne fonctionnera “que si cette action est collective”, et pas “en visant un seul acteur”. Il a fustigé une loi qui ajoutera selon lui “une taxe de 10 euros par vêtement vendu d’ici 2030” et va “impacter le pouvoir d’achat” des Français. Face à cette “vague irrésistible” de produits “qui ne durent pas”, Agnès Pannier-Runacher a espéré que cette loi fera “bouger les lignes” ailleurs en Europe. Elle a promis que ce texte sera notifié à Bruxelles pour en sécuriser les contours avant son adoption définitive.

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