Publié le 24 mai 2025

Outre-Atlantique, les Républicains pourraient freiner toute régulation de l’intelligence artificielle par les Etats. Un amendement en ce sens a été inséré dans la loi budgétaire actuellement examinée au Congrès. S’il venait à être adopté, ce dernier mettrait à l’arrêt plusieurs centaines de projets de loi visant à encadrer l’usage de l’IA et protéger les utilisateurs.

Dix ans. C’est la durée durant laquelle les Républicains souhaitent interdire la régulation de l’intelligence artificielle (IA) aux Etats-Unis. Alors que la Chambre des représentants étudiait mi-mai le projet de loi budgétaire, un amendement a été ajouté à la dernière minute dans le but d’empêcher les Etats d’adopter “toute loi réglementant les modèles d’IA, les systèmes d’IA ou les systèmes de décision automatisés” sauf si elles visent à “supprimer les obstacles juridiques ou faciliter [leur] déploiement ou [leur] fonctionnement”.

Seraient concernés les systèmes de reconnaissance faciale, l’IA générative ou encore les algorithmes basés sur l’intelligence artificielle pour la prise de décision, utilisés par exemple pour le recrutement ou l’attribution de prestations sociales. L’objectif est clair : contrer la multiplication de projets de garde-fous qui émergent aux Etats-Unis, alors que l’IA se développe à vitesse grand V. Face au manque de régulation au niveau fédéral, les Etats américains tentent en effet de limiter par eux-mêmes les risques posés par cette révolution technologique. D’ici la fin de l’année, “des centaines, voire des milliers” de projets de législation pourraient ainsi être déposés, évalue le média The Verge.

“Garantir le maintien du leadership américain”

Au 19 mars 2025, près de 900 textes relatifs à l’IA étaient déjà en cours d’examen dans 48 Etats, contre 734 sur l’ensemble de l’année 2024. Ces derniers portent sur de nombreuses problématiques, allant des discriminations algorithmiques à la protection des mineurs interagissant avec des chatbot, en passant par l’utilisation de l’IA à des fins politiques. Si la disposition soumise par les membres républicains du congrès venait à être approuvée, plusieurs lois pourraient donc être remises en cause. C’est par exemple le cas dans l’Etat de New York, où une législation soumet les systèmes de recrutement automatisés à des évaluations de biais.

“Ce projet de loi est une tentative radicale et imprudente de protéger certaines des plus grandes et plus puissantes entreprises du monde (…) de toute forme de responsabilité”, analyse Lee Hepner, conseiller juridique au sein de l’American Economic Liberties Project, interrogé par le Guardian. Et ce n’est pas la première fois que l’administration Trump cherche à soustraire le secteur de toute régulation. Lors de son investiture, le nouveau locataire de la Maison Blanche n’avait pas attendu une minute pour abroger un décret pris par son prédécesseur, visant à assurer la transparence et la sécurité de l’IA.

“Nous pensons qu’une réglementation excessive du secteur pourrait tuer une industrie transformatrice au moment même où elle prend son essor”, avait affirmé en février dernier le vice-président JD Vance à l’occasion du sommet sur l’intelligence artificielle. L’administration Trump noue par ailleurs des liens étroits avec les acteurs de la Silicon Valley. Lors de sa campagne, plusieurs grands noms de la tech avaient affiché leur soutien au président américain. Ils témoignent aujourd’hui de leur satisfaction face à l’amendement proposé au Congrès, comme Google, qui y voit une “première étape importante pour protéger la sécurité nationale et garantir le maintien du leadership américain en matière d’IA”.

Levée de boucliers

Un avis loin de faire l’unanimité. La disposition a même entraîné une levée de boucliers de la part de 40 procureurs généraux, démocrates comme républicains. Le 16 mai dernier, ils ont exhorté le Congrès à retirer la mesure. “Imposer un moratoire général sur toutes les actions des Etats, alors que le Congrès n’agit pas dans ce domaine, est irresponsable et prive les consommateurs de protections suffisantes”, affirment-ils. Quelques jours plus tard, plus de 140 organisations, rassemblant syndicats, associations et institutions universitaires, ont à leur tour adressé leurs inquiétudes dans une lettre ouverte.

“Ce moratoire signifierait que même si une entreprise conçoit délibérément un algorithme qui cause un préjudice prévisible, (…) [elle] n’aurait pas de comptes à rendre aux législateurs et au public”, observent les signataires qui alertent sur les dangers d’un tel vide juridique. “Les abus sans entrave de l’IA ou des systèmes de décision automatisés qui en résulteraient pourraient aller de préjudices pour les familles de travailleurs, comme les décisions sur les prix de location, à de graves violations des droits civils des Américains, et même à des menaces à grande échelle, comme l’aide aux cyberattaques sur les infrastructures critiques ou la production d’armes biologiques”.

Découvrir gratuitement l'univers Novethic
  • 2 newsletters hebdomadaires
  • Alertes quotidiennes
  • Etudes