La chute continue pour le géant allemand Bayer. Le groupe vient en effet d’être condamné le 21 mars par un tribunal américain de l’Etat de Georgie à verser une somme record de près de 2,1 milliards de dollars (un peu moins de 2 milliards d’euros) à un plaignant, John Barnes, qui attaquait l’entreprise à propos de son cancer, qu’il attribue à l’herbicide controversé appartenant à Bayer, le Roundup. Au cœur du procès : le glyphosate, molécule active considérée “cancérogène probable” par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC).
Pour l’avocat du plaignant, la décision est “une étape importante” après “un autre exemple du refus de Monsanto d’assumer la responsabilité de l’empoisonnement des personnes avec ce produit toxique”. De son côté, le groupe allemand a d’ores et déjà annoncé son intention de faire appel. “Nous pensons que nous avons de solides arguments pour faire annuler ce verdict en appel”, déclare Bayer dans un communiqué.
Dégringolade en bourse pour Bayer
En attendant, la condamnation a fait l’effet d’une bombe pour la valorisation boursière de Bayer, qui perdait près de 7% dans la foulée. Mais cette affaire n’est que la dernière en date d’une longue série. Au total, Bayer a déjà dépensé près de 10 milliards de dollars pour résoudre une série de procès sur le glyphosate intentés par près de 100 000 personnes affectées par des cancers aux Etats-Unis. Et selon le rapport annuel du groupe, près de 67 000 procès seraient encore en cours, laissant des perspectives sombres en vue pour Bayer.
Depuis le rachat de Monsanto, inventeur et propriétaire du glyphosate, pour près de 60 milliards d’euros fin 2016, les scandales autour de la molécule controversée se sont en effet accumulés pour Bayer, contribuant à plomber les résultats économiques du groupe. Le groupe allemand affichait ainsi près de 2,5 milliards d’euros de pertes nettes en 2024. Son cours de Bourse a quant à lui perdu près de 80% de sa valeur depuis son pic début 2017. La dette de Bayer s’élève aujourd’hui à plus de 30 milliards d’euros, soit plus que la valeur de sa capitalisation boursière. Les mesures prises ces dernières années, dont la suppression de près de 6 000 emplois, le changement de son PDG en 2023 et la baisse de 95% des dividendes versés aux actionnaires en 2024 ont à peine permis de limiter la casse.
Matérialisation des risques ESG
Le géant allemand paye ainsi la multiplication des risques environnementaux mais aussi sociaux et de gouvernance (ESG) sur sa chaîne de valeur. Outre les milliers de procédures judiciaires, Bayer subit également la demande vacillante et les prix fluctuants du glyphosate et d’autres produits phytosanitaires. La concurrence d’autres producteurs, mais également la crise agricole qui invite de nombreux acteurs à repenser leurs modèles de production, ainsi que les débats autour de l’interdiction possible, en Europe et ailleurs, de l’herbicide phare du groupe ajoutent à la situation incertaine du chimiste.
Sans compter les diverses controverses qui entourent les activités de Bayer. En avril dernier, six organisations de la société civile ont ainsi déposé une plainte auprès de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) contre Bayer. “L’entreprise n’a pas réussi à répondre correctement aux graves risques pour les droits de l’homme et l’environnement liés à son modèle économique”, arguent les plaignants, qui reprochent notamment à l’entreprise de promouvoir un modèle agricole ultra-productiviste et dépendant des produits phytosanitaires et des OGM, sans précaution sociale et environnementale.
Selon Reuters, l’entreprise envisagerait même de cesser la vente de glyphosate compte tenu de la multiplication des risques. Le projet de cession entre les activités pharmaceutiques et les activités agro-chimiques du groupe, en débat depuis des années, pourrait ainsi finir par aboutir. Sans que l’on puisse dire s’il suffira à endiguer la profonde crise dans laquelle s’enfonce Bayer depuis près de 10 ans maintenant.