Publié le 26 février 2025

La Commission européenne a présenté ce mercredi 26 février son Pacte pour une industrie propre. Face à une concurrence accrue avec les Etats-Unis et la Chine, le plan de l’UE est de miser sur la décarbonation de son industrie pour doper sa croissance.

Cap sur la décarbonation de l’industrie. La Commission européenne a présenté ce mercredi 26 février son Pacte pour une industrie propre (Clean industrial deal), dans les 100 premiers jours de son nouveau mandat, conformément à la promesse faite par Ursula von der Leyen lors de son élection à la présidence de l’institution européenne en septembre dernier. Le mot d’ordre est de restaurer la compétitivité européenne, en berne, mais aussi (et surtout ?) de répondre à la guerre commerciale lancée par Donald Trump et à la concurrence accrue avec la Chine.

“Ce plan vise à renforcer notre modèle européen unique basé sur la décarbonation industrielle afin de créer une production made in Europe qui soit durable et compétitive. Il s’agit de produire plus et mieux non seulement dans un objectif environnemental, mais aussi comme stratégie de croissance économique et comme impératif de sécurité”, a déclaré Stéphane Séjourné, vice-président exécutif pour la prospérité et la stratégie industrielle, lors d’une conférence de presse.

100 milliards d’euros

Ce Pacte pour une industrie propre vise à agir sur plusieurs leviers. D’abord stimuler la demande. La révision du cadre des marchés publics en 2026, sera l’occasion pour la Commission d’introduire des critères qui ne soient plus basés sur le prix, mais sur “la durabilité, la résilience et la préférence européenne” pour les secteurs stratégiques. Un label volontaire d’intensité carbone pour les produits industriels va également voir le jour en commençant par l’acier en 2025, puis par le ciment.

Il s’agit ensuite de réduire les coûts notamment de l’énergie en adoptant des contrats d’approvisionnement à long terme tout en achevant l’Union de l’énergie. Ces mesures ont fait l’objet d’un plan d’action dédié. Côté financements, la Commission européenne annonce la mobilisation de 100 milliards d’euros, provenant en partie de fonds existants et en partie d’argent frais, et la création d’une Banque pour la décarbonation industrielle, qui mobiliserait le Fonds pour l’innovation, les revenus supplémentaires résultant de certaines parties du marché carbone et de la révision d’InvestEU.

Dans le cadre du Clean Industrial Deal, la Commission adoptera également d’ici juin 2025 un nouveau cadre d’aides d’État qui doit permettre d’accélérer le déploiement des énergies renouvelables, la décarbonation industrielle et les technologies propres. Le nouveau cadre permettra aux États membres d’octroyer plus facilement des aides publiques, en simplifiant les règles tout en préservant des conditions de concurrence équitables.

Enfin, pour faciliter l’accès aux matières premières, la Commission entend créer un centre européen des matières premières critiques pour acheter conjointement des matières premières au nom des entreprises intéressées, à l’instar de ce qu’elle a fait avec les vaccins durant la pandémie de Covid-19 afin de créer des économies d’échelle. Une loi sur l’économie circulaire, dont l’adoption est prévue en 2026, renforcera également le recyclage des matériaux.

Manque de cohérence

Pour Neil Makaroff, directeur chez Strategic Perspectives, ce Pacte pour une industrie propre est “un changement de paradigme”.Contrairement aux États-Unis, cette stratégie n’est pas un retour à l’ancienne économie du pétrole, du gaz et du charbon, mais est alimentée par la décarbonisation. Il vise à positionner l’UE comme un site d’innovation attrayant et de production à zéro émission nette”, poursuit le spécialiste.

Toutefois, alors que des fuites avaient un temps révélé que les discussions sur l’objectif climatique de l’Union européenne de réduire les émissions de 90% à 2040 s’ouvriraient dans le cadre du Clean industrial deal, celles-ci ont finalement été repoussées au printemps. Cela aurait renforcé “la confiance des entreprises qui demandent un cadre prévisible et une vision à long terme. L’occasion a été manquée et la Commission doit rectifier le tir en publiant des amendements dès que possible”, réagit Romain Pardo, Senior Programme Manager au sein du Corporate Leaders Group Europe.

De nombreux observateurs craignent également que l’argent public pour soutenir cette décarbonation notamment dans les industries les plus énergivores comme la production d’acier et de ciment ne se fasse sans contrepartie. “Tout soutien supplémentaire doit être assorti de conditions strictes, telles que des garanties d’emploi, des exigences de performance environnementale et des restrictions sur l’utilisation par les entreprises de l’argent public pour récompenser les actionnaires par le biais de rachats d’actions”, pointe Greg Van Elsen, responsable de la politique de l’accord industriel propre au Climate Action Network (CAN) Europe.

Mais ce qui risque le plus de tuer la crédibilité de ce plan, ce sont les propositions de “simplification” dans le cadre de l’omnibus présenté dans la foulée du Clean industrial deal sur les règles de reporting sur la durabilité, de diligence raisonnable et de taxonomie. “La Commission ne peut pas saboter avec la main gauche ce qu’elle entreprend de faire avec la main droite”, conclut Jurei Yada d’E3G.

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