Composition, origine, valeur nutritionnelle ou encore type d’emballage… Lorsque l’on souhaite remplir son panier de courses de manière responsable, les critères de choix ne manquent pas. Mais il reste un paramètre encore absent des rayons des supermarchés : l’empreinte carbone des produits. Pourtant, l’alimentation représente en moyenne 22% des émissions de gaz à effet de serre d’un Français, soit 2,1 tonnes équivalent CO2 par an et par personne. Il s’agit même du troisième poste le plus émetteur, derrière les transports et le logement.
Si de plus en plus de solutions existent pour mieux connaître, et in fine maîtriser, cette dimension de notre empreinte environnementale, elles prennent principalement la forme d’applications liées à des comptes bancaires et développées par des start-ups spécialisées ou des néobanques vertes, comme OnlyOne ou Green-Got. Pour éveiller les consciences et mieux informer les consommateurs sur ce sujet, sans démarche ou surcoût, Guillaume Desrocques s’est lancé le défi d’imprimer le bilan carbone de nos achats directement sur les tickets de caisse.
Sensibiliser sans culpabiliser
Nommée Tickarbone, l’initiative est aujourd’hui déployée dans certains magasins du réseau Biocoop. En dessous du prix total de leurs courses, les clients peuvent ainsi consulter trois informations : l’empreinte carbone totale du panier, le “ratio climat”, c’est-à-dire combien de kilos équivalent CO2 sont émis à l’euro dépensé, et enfin un élément de comparaison à la moyenne nationale, qui s’élève à 0,65 kg CO2 eq/euro. Pour arriver à ce résultat, l’entreprise s’appuie principalement sur Agribalyse, une base de données créée par l’Agence de la transition écologique (Ademe) qui répertorie l’impact environnemental de plus de 2500 catégories de produits alimentaires.
Des renseignements plutôt bien accueillis par les clients, selon Guillaume Desrocques dont les premiers tests remontent à 2021. “Ce qui ressort, c’est avant tout une impression de découverte y compris chez des gens assez engagés, qui veulent bien faire, mais qui n’avaient aucune idée de l’empreinte d’un panier”, rapporte l’entrepreneur à Novethic. Pour rester dans la sensibilisation sans culpabiliser, les informations imprimées sur le ticket de caisse sont modulées selon les résultats. “Si votre ratio climat est moins bon que la moyenne, cette indication ne sera pas affichée, poursuit Guillaume Desrocques. On va aussi féliciter les gens quand ils s’améliorent. Il y a un biais cognitif qui fait que quand on nous dit qu’on est meilleur sur un sujet, on va y porter plus d’attention.”
Augmentation des ventes
En parallèle, Tickarbone affiche en rayon les produits les moins carbonés de leur catégorie afin de les pointer aux consommateurs. Une quarantaine sont actuellement concernés par cette opération mise en place depuis décembre 2023. Résultat ? Les articles bénéficiant de cet affichage enregistrent une augmentation des ventes de l’ordre de 15% à 40%. “On ne s’attendait pas à de tels résultats, le client est beaucoup plus prêt que ce que l’on pense, s’enthousiasme Guillaume Desrocques. Cela veut dire qu’en termes de marketing, le carbone est devenu un paramètre de marché, de la même manière que l’indication ‘origine France’ par exemple.”
Le fondateur de Tickarbone y voit également un levier pour pousser l’ensemble de l’écosystème à se pencher sur la question. “Cela amène une saine concurrence entre acteurs, qui vont à minima faire eux-aussi le calcul de l’empreinte carbone de leurs produits”, constate-t-il. L’augmentation des ventes générée par ce mécanisme permet par ailleurs de couvrir les frais de déploiement de Tickarbone en magasin. Car l’entreprise ne compte pas en rester là. S’il a commencé avec une simple imprimante à tickets de caisse installée sur une table de camping, Guillaume Desrocques a aujourd’hui convaincu une vingtaine de coopératives Biocoop situées dans toute la France d’adopter Tickarbone. La start-up a pour ambition d’atteindre cent points de ventes à l’été 2025 et souhaite prochainement s’étendre à la grande distribution conventionnelle. L’objectif, couvrir 5% des clients d’ici cinq ans.