Publié le 19 février 2025

Malgré les reculs politiques, de nombreuses entreprises européennes continuent à jouer le jeu et à avancer sur la CSRD, la directive sur le reporting de durabilité. Près de 40 grandes entreprises européennes se sont déjà livrées à l’exercice et ont publié des reportings de qualité, “tout le contraire des caricatures qui font de l’exercice CSRD un enfer bureaucratique et un fardeau administratif”, selon un consultant.

A peine entrée en vigueur, la CSRD, directive européenne sur le reporting de durabilité des entreprises, est déjà menacée. Ces dernières semaines, la Commission européenne, sous l’influence de certains lobbys économiques et partis politiques, a en effet lancé un agenda de simplification des règles du Green Deal, visant en premier lieu la CSRD. Jugée trop bureaucratique, trop complexe, la CSRD pourrait ainsi faire l’objet d’une dérégulation massive, lors de la présentation de la loi omnibus de simplification prévue pour fin février. Pourtant, malgré l’incertitude règlementaire, de nombreuses entreprises continuent à travailler pour fournir leurs reportings de durabilité.

D’après les données publiées par le Sustainability Reporting Navigator, initiative open-science qui regroupe les données publiques sur les pratiques de durabilité des entreprises, près de 40 grands groupes européens ont déjà publié leurs rapports CSRD attendus pour 2025. Parmi elles, on trouve notamment Novo Nordisk, l’une des plus grandes entreprises européennes cotées, le Néerlandais Randstad, le spécialiste danois des énergies renouvelables Orsted, le géant des transports maritimes Maersk, Carlsberg, la banque espagnole BBVA ou encore le groupe pharmaceutique français Sanofi.

Transparence et simplicité d’analyse pour les premiers rapports CSRD

Devoir de vigilance européen : une dérégulation substantielle en vue lors de la loi omnibus

Ces premiers rapports, publiés principalement par des entreprises des pays de l’Europe du Nord (Pays-Bas, Danemark, Finlande) mais aussi Espagne, permettent de mieux comprendre les enjeux de cet exercice de reporting. D’une longueur moyenne de 88 pages, ils suivent les recommandations des autorités européennes pour la présentation des informations de durabilité : présentation générale de l’organisation, de sa gouvernance, de ses parties prenantes et de son analyse de double matérialité. Les principaux impacts, risques et opportunités (IRO) de l’entreprise sont ensuite présentés, comme une sorte de matrice stratégique. Maersk liste par exemple une vingtaine d’IRO importants (changement climatique, pollution, écosystèmes et biodiversité, préservation du capital humain, conditions de travail, relation avec les fournisseurs, conformité réglementaire entre autres…), quand Sanofi dresse de son côté une liste d’environ 40 IRO. Les enjeux sociaux, environnementaux et de gouvernance (ESG) identifiés comme “matériels” par les entreprises sont ensuite détaillés dans des tableaux synthétiques, conformes aux standards européens de reporting (les ESRS).

Interrogé par Novethic, Ludovic Flandin, spécialiste de la RSE (Responsabilité sociale des entreprises), retient ainsi la “transparence, l’harmonie, et la simplicité d’analyse” de ces premiers rapports, qui montrent que les entreprises engagées dans la CSRD ont finalement saisi l’esprit de la directive, en présentant de manière synthétique les informations financières et extra-financières clés de leurs organisations. Des données utiles aux parties prenantes des entreprises ou aux investisseurs, notamment pour évaluer les risques extra-financiers. “Il y a un saut quantique entre ces rapports CSRD et les précédents rapports de durabilité qui étaient truffés de greenwashing. Désormais, c’est facile à lire, toujours organisé de la même manière, cela permet de comparer les informations”, explique ainsi Ludovic Flandin. “Tout le contraire des caricatures qui font de l’exercice CSRD un “enfer bureaucratique” et un “fardeau administratif”, ajoute-t-il. 

“La CSRD a déjà créé un héritage”

Plusieurs études publiées ces dernières semaines viennent d’ailleurs confirmer que, malgré les remous politiques, la CSRD est d’ores et déjà en train de s’inscrire dans les pratiques des entreprises. Les données publiées par MSCI en début d’année montraient ainsi que les entreprises ne reportaient en moyenne que sur 500 points de données sur les près de 1200 possibles pour leur reporting, dont de nombreux indicateurs de gestion essentiels portant notamment sur les effectifs et les conditions de travail. Une analyse publiée par la société Datamaran va dans le même sens, et montre même qu’une majorité d’entreprises soumises à la CSRD disent intégrer les données de leur reporting et de leur analyse de matérialité dans leur planification stratégique et leur gestion des risques. Près des 3/4 intègrent même la supervision de la CSRD au niveau de leur conseil d’administration, signe que les instances de gouvernance peuvent se saisir du sujet pour orienter leurs décisions. 

Selon les données publiées il y a quelques jours par le ministère des Affaires étrangères finlandais, la plupart des entreprises soumises à la CSRD n’y voient pas un frein à la compétitivité. Si elles réclament plus d’harmonisation entre les différentes règlementations européennes et ont besoin de lignes directrices claires, elles craignent surtout l’incertitude réglementaire induite par le mouvement de remise en cause du Green Deal. “Beaucoup d’entreprises sont déjà engagées dans les processus de reporting et, peu importe l’omnibus, la CSRD a déjà créé un héritage“, ajoute Ludovic Flandin. Dans les prochaines semaines, les publications de nouveaux rapports de durabilité conformes à la CSRD devraient se multiplier, démontrant par les actes la faisabilité technique du dispositif. “Souhaitons que cela accélère la prise de conscience sur l’utilité de cet exercice exigeant qui ne peut pas rester cantonné à quelques grandes entreprises cotées mais doit devenir le b.a-ba de toutes les entreprises qui impactent notre quotidien”, conclut Ludovic Flandin.

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