Portées par les confinements successifs lors de la crise du Covid-19, les enseignes de bricolage se retrouvent aujourd’hui dans la tourmente. Dernier exemple en date, Castorama a annoncé jeudi 28 novembre une réduction des effectifs au sein de son siège social, situé à Templemars, près de Lille. Mis en place sur la base du volontariat, le dispositif qui prendra la forme d’une rupture conventionnelle collective pourra concerner jusqu’à 100 salariés. A terme, cela représentera un emploi sur sept sur ce site.
La raison : l’entreprise “souhaite adapter les effectifs du siège (…) à ses nouvelles priorités stratégiques”, explique la direction. En mars dernier, cette dernière avait annoncé le déploiement d’un plan afin de relancer la compétitivité de l’entreprise, en opérant notamment “des efforts sur les coûts” et “un programme d’optimisation et de modernisation de son réseau de magasins”.
Bulle Covid
Du côté des syndicats, l’annonce n’est pas une surprise. “Les effectifs ont réduit de 12 000 à 11 000 personnes sur une année. Cela s’est fait par un turn-over naturel, mais les gens n’ont pas été remplacés, ce qui dégrade les conditions de travail des salariés qui restent”, dénonce Jean-Paul Gathier, délégué syndical central FO au sein de l’enseigne de bricolage, interrogé par France 3. “Nous sommes inquiets pour l’avenir de Castorama. (…) On a perdu notre leadership”, ajoute-t-il.
L’enseigne a en effet enregistré une baisse de 7,7% de son chiffre d’affaires au troisième trimestre. Et elle n’est pas la seule. Sa cousine “discount”, Brico Dépôt, elle aussi sous l’égide du groupe britannique Kingfisher, a enregistré un recul de 5,6% sur la même période. “Concernant l’année prochaine, les récentes évolutions politiques et macroéconomiques font peser une plus grande incertitude sur les perspectives de nos marchés”, estime le directeur général du groupe dans un communiqué.
Derrière ces baisses, plusieurs raisons sont évoquées, à commencer par l’éclatement de la bulle formée lors du Covid-19 : autorisés à rester ouverts, les magasins de bricolage avaient alors connu un véritable boom qui s’est depuis progressivement affaibli. D’autres facteurs, comme l’inflation et la baisse des transactions immobilières participeraient également à un ralentissement des besoins de travaux et bricolage.
Contexte social tendu
Des difficultés auxquelles le leader du secteur, Leroy Merlin, n’échappe pas. Résultat, en juin 2024, l’entreprise annonçait la mise en place d’une rupture conventionnelle collective, pouvant aboutir à la suppression de 130 à 225 postes au sein de son siège social. Quelques mois plus tard, en septembre, Leroy Merlin, pourtant en proie à un fort taux de turn-over, déclarait avoir procédé à un gel des embauches. Dans l’ensemble, 1 000 emplois pourraient être touchés à fin 2024 selon des informations communiquées aux Echos par les syndicats de l’entreprise. Ils estiment qu’il s’agit là d’un “Plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) déguisé”.
L’enseigne de bricolage, chapeautée par l’association familiale Mulliez (AFM), fait par ailleurs face à un contexte social très tendu. Depuis mi-novembre, plusieurs débrayages ont été organisés dans toute la France par les syndicats et salariés. Leurs demandes portent principalement sur une revalorisation des salaires et l’instauration d’une prime d’ancienneté. Des revendications ravivées par la récente annonce du versement d’un milliard d’euros de dividendes au titre de l’exercice 2024 aux actionnaires de l’enseigne de sport Décathlon, qui fait elle aussi partie de la galaxie Mulliez.
Une information qui laisse un goût amer aux salariés de l’ensemble des entreprises dont l’AFM est à la tête. “Il y a 1,1% d’augmentation générale face à un milliard d’euros versé aux actionnaires. Ce n’est juste pas possible”, appuie Sylvie Valverde, déléguée syndicale CGT du magasin Leroy Merlin de Perpignan. En réponse, la direction de Décathlon a affirmé auprès de l’AFP que cette somme servira “à investir dans des initiatives stratégiques de croissance au bénéfice [des] collaborateurs, [des] clients et [des] partenaires”. Ces suppressions d’emplois s’inscrivent dans un contexte particulièrement morose. La CGT recense 286 plans de suppression d’emplois à travers la France depuis septembre 2023. Jusqu’à 200 000 emplois pourraient être supprimés.