Publié le 2 décembre 2024

C’est la troisième et dernière COP de l’année. La COP16 Désertification se tient du 2 au 13 décembre à Riyad, en Arabie saoudite. Parmi les sujets à l’ordre du jour, la lutte contre la sécheresse, la neutralité dans la dégradation des terres ou encore la promotion de l’agroécologie. Des enjeux cruciaux pour un sommet qui peine encore à mobiliser.

C’est la dernière épreuve du marathon des COP 2024. Après la COP16 Biodiversité de Cali, en Colombie, et la COP29 qui vient de s’achever à Bakou, en Azerbaïdjan, c’est au tour de la COP16 Désertification de s’ouvrir à Riyad, en Arabie saoudite, ce lundi 2 décembre, pour deux semaines. Bien moins connue que ses deux “grandes” sœurs – la Convention cadre des nations unies sur le changement climatique (CCNUCC) et la Convention sur la diversité biologique (CBD) – la Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification (CNULCD) a pourtant été lancée en même temps lors du sommet de la Terre de Rio en 1992. Adoptée deux ans plus tard à Paris, elle est entrée en vigueur en 1996 et compte 197 parties, 196 pays + l’UE, qui représente une seule partie.

Son objectif est de lutter contre la dégradation des terres et d’atténuer les effets de la sécheresse, en particulier en Afrique, comme le mentionne la Convention. “On a longtemps pensé que c’était une affaire de désert et de pays pauvres mais nous sommes à un moment de bascule. La désertification devient un sujet important, qui a des conséquences directes sur la sécurité alimentaire, le changement climatique, la préservation de la biodiversité…et qui touche désormais tous les pays, du Nord comme du Sud”, souligne auprès de Novethic Alain-Richard Donwahi, le président de la COP15 Désertification, et ex-ministre ivoirien des Eaux et des Forêts.

“Point de rupture de nos rapports avec les terres”

Au cœur de cette COP, il y a le sujet de la sécheresse qui affecte près de 2 milliards de personnes par an, dont 85% vivent dans des pays à revenu faible ou intermédiaire. Les sécheresses ont augmenté de 29% depuis 2000 en raison du changement climatique et de la dégradation des terres. D’ici 2050, trois personnes sur quatre dans le monde seront affectées par la sécheresse. Les zones arides sont ainsi en augmentation et représentent aujourd’hui plus de 40% des terres émergées. “Nous sommes proches du point de rupture de nos rapports avec les terres”, souligne la CNULCD dans un rapport.

Lors de la COP14 de New Dehli en 2019, un groupe de travail intergouvernemental sur la sécheresse a été mis en place. Un premier rapport intermédiaire a été publié lors de la COP15 d’Abidjan en 2022. Il met sur la table sept options graduelles pour faire face à la sécheresse, la plus forte étant la mise en place d’un protocole contraignant, comme l’a été par exemple le protocole de Kyoto sur les émissions de gaz à effet de serre, adossé à un fonds spécifique. “Le groupe Afrique est vent debout pour dire qu’il faut un tel instrument juridiquement contraignant. Mais en face, les Etats-Unis et l’Union européenne ne veulent pas s’engager sur de nouvelles contraintes qu’ils ne veulent pas contractuellement assumer”, explique à Novethic Patrice Burger, président du Cari, une association de solidarité internationale, et fidèle observateur de ces COP depuis le tout début.

Neutralité de la dégradation des terres

Parmi les autres sujets à l’agenda, il y a l’évaluation à mi-parcours du cadre stratégique 2018-2030 de la CNULCD qui vise à atteindre la neutralité de la dégradation des terres (NDT) d’ici 2030. Il s’agit de compenser les pertes de terres saines et productives par des gains afin de parvenir à cette neutralité. Cela passe donc à la fois par une réduction du taux de dégradation des terres et une restauration des terres dégradées. Dans ce cadre, les 169 pays qui se sont déclarés affectés par la dégradation des terres sont tenus de rapporter tous les quatre ans autour de trois indicateurs : le stock de CO2 dans les sols, la productivité primaire et la couverture des sols.

“Un bilan a été réalisé en novembre 2023 et il montre que nous ne sommes pas sur la bonne trajectoire”, commente Jean-Luc Chotte, président du comité scientifique français de la désertification (CSFD) et chercheur à l’Institut de recherche pour le développement (IRD), interrogé par Novethic. L’enjeu est d’élargir la base des pays qui s’engagent à rapporter. “La NDT est aussi l’une des cibles des 17 Objectifs de développement durable (ODD) auxquels ont adhéré l’ensemble des pays du monde. C’est donc un moyen d’effacer la frontière entre pays affectés ou non-affectés par la dégradation des terres, introduite dans la CNULCD, pour qu’ils puissent tous réaliser ce rapportage”, ajoute le spécialiste.

Les Etats se sont en outre engagés à restaurer un milliard d’hectares de terres dégradées d’ici 2030, soit une superficie supérieure à celle de la Chine. “C’est un objectif global nécessaire qui fixe un cap un peu à la manière du 1,5°C à ne pas dépasser de la convention climat”, commente Jean-Luc Chotte. Pour assurer un suivi, la création d’un “index unique de dégradation des sols” va être débattue à Riyad, nous indique Alain-Richard Donwahi.

Vers une convergence des COP

A la COP16 Désertification, les discussions porteront également sur les systèmes agricoles et alimentaires résilients et durables, notamment lors d’un dialogue interactif de haut niveau prévu le 5 décembre 2024. “La COP16 pourrait marquer un tournant pour la prise en compte de l’agroécologie, puisqu’il y est fait mention à plus de 30 reprises dans les documents préparatoires de la COP“, note le CARI. Les acteurs travaillent également à une meilleure visibilité de la COP Désertification et appellent à une convergence entre les trois COP.

“La COP Désertification ne doit plus être considérée comme la “petite sœur”. Il est important d’inverser cette perception car des sols en bonne santé, c’est plus de CO2 stocké durablement, une meilleure préservation de la biodiversité, et l’accès à alimentation suffisante et de qualité pour les populations locales”, plaide Jean-Luc Chotte. “On pourrait combiner les trois COP en même temps pour parler d’un sujet global commun aux trois comme la Grande muraille verte”, ajoute Alain-Richard Donwahi.

Se déroulant dans la région la plus pauvre en eau et la plus gravement touchée par la désertification et la dégradation des terres, la COP16 de Riyad suscite d’importants espoirs. C’est en outre l’occasion pour l’Arabie saoudite, qui accueille pour la première fois un événement onusien de cette ampleur, de se montrer comme un champion. “Riyad 2024 devrait être un tournant, un véritable changement de cap pour l’agenda mondial sur la résilience des terres et des sécheresses”, espère le Secrétaire exécutif de la CNULCD, Ibrahim Thiaw.

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