Publié le 30 octobre 2024

Nestlé va réduire d’un tiers ses effectifs commerciaux en France. De quoi raviver les tensions sociales alors que le groupe traverse une crise importante. Pizza Buitoni contaminées, traitements interdits dans les eaux en bouteille, forages illégaux… Nestlé a chuté de 20% en Bourse sur les cinq dernières années.

“Les Hommes avant le profit”. Chez Nestlé France, la situation est pour le moins tendue. Les syndicats viennent en effet de publier un communiqué dans lequel ils affirment avoir appris le 23 octobre en Comité de groupe extraordinaire de la réduction de plus de 30% des effectifs commerciaux en France. “On est très inquiets”, confirme auprès de Novethic Christophe Kauffmann, secrétaire fédéral CFDT Agri-Agro.

“Depuis un moment la direction nous avait dit qu’elle envisageait une optimisation des forces de vente. Or là on parle de 148 postes supprimés sur 462 et l’externalisation de la commercialisation de plusieurs marques comme Nesquik ou Maggi. C’est socialement inacceptable”, dénonce Christophe Kauffmann. Contacté par Novethic, Nestlé France confirme que 148 postes sont en effet concernés non pas par un plan social mais un “GEPP”, une gestion des emplois et des parcours professionnels en entreprise avec “des mesures d’accompagnement adaptées sur la base le volontariat” comme l’aménagement de fin de carrière, le repositionnement au sein de la nouvelle entité, d’autres mobilités internes et le congé de mobilité externe.

Pizza Buitoni contaminées, forages illégaux…

Ce projet d’évolution du modèle des forces de ventes découle d’une “réflexion approfondie pour faire face à un environnement très concurrentiel et à un secteur de la Grande Distribution en pleine transformation en France”, explique une porte-parole de Nestlé France. Une nouvelle société devrait être créée pour répartir les 314 postes de commerciaux épargnés mais les contours restent très flous. “C’est un projet”, insiste la porte-parole. “On demande aux salariés de se prononcer pendant les fêtes de Noël. Soit ils restent chez Nestlé sans avoir aucune information sur la nouvelle société, ses statuts, la convention collective qui s’applique, les conditions de travail… Soit ils partent mais ils ne savent pas sous quelles conditions”, se désole David Le Doussal, délégué syndical FO. En 10 ans, le nombre de salariés serait passé de 14 000 à 8 700. Des chiffres ni confirmés ni contestés par le groupe.

Ces tensions sociales interviennent dans un contexte particulièrement compliqué pour Nestlé. Le groupe agroalimentaire est englué depuis des mois, voire des années, dans des scandales sanitaires et écologiques. Il y a notamment eu les intoxications des pizzas Buitoni contaminées à la bactérie E. Coli qui auraient provoqué la mort de deux enfants. Les forages illégaux qui auraient permis à l’entreprise de capter près de 19 milliards de litres d’eau dans neuf forages en France au profit des marques Contrex et Vittel, ou encore le traitement d’eaux en bouteille alors que cette pratique est interdite sans avertissement préalable des consommateurs.

Un “risque éthique sous-estimé”

Des “affaires” qui ont mené Nestlé à débarquer son directeur général, Mark Schneider, à la fin du mois d’août pour le remplacer par le Français Laurent Freixe, auparavant directeur général de la zone Amérique. Si le communiqué, laconique, de changement de gouvernance ne fait aucune mention de la série de scandale, les actionnaires en ont bien eu connaissance. Et pour cause, en 5 ans le groupe a perdu 20% en Bourse.

Dans une tribune au Monde, Caroline Aubry, chercheuse en science de gestion appelle Nestlé à se pencher sur le “risque éthique, actuellement trop fréquent et coûteux pour l’entreprise”. “Ces affaires devraient conduire Nestlé à s’intéresser à sa gestion des risques, pour amener à se poser la question du risque éthique, sous-estimé, voire négligé”, écrit la chercheuse. “L’arrivée d’un nouveau patron doit être une occasion de faire évoluer cette gestion vers une fonction de type managérial (risk manager), dont le rôle, doté d’une autorité forte, serait de centraliser des informations au service de la direction générale“. Deux mois après sa nomination, les salariés ne sont pas encore convaincus.

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