Publié le 5 octobre 2024

Les mégaprojets pétroliers Eacop et Tilenga, portés par TotalEnergies en Ouganda et Tanzanie, ont démarré il y a un an avec la construction de forages dans le parc national de Murchison Falls. Des éléphants s’enfuient, tuant les communautés locales et dévastant les cultures. Chaque samedi, Novethic vous propose son “pas de côté” sur l’actu.

Un an après les premiers forages pétroliers dans le parc national de Murchison Falls, en Ouganda, les ONG dressent un premier bilan dramatique, dans un rapport publié le 19 septembre. Ces forages font partie des mégaprojets contestés d’extraction de pétrole (Tilenga) en Ouganda et d’oléoduc immense (Eacop) en Tanzanie, portées notamment par TotalEnergies. Ils impliquent la création de six champs pétrolifères en Ouganda et la construction du plus grand pipeline chauffé au monde, reliant la région du Lac Albert en Ouganda au port Tanga en Tanzanie.

“La promesse de Total d’extraire du pétrole de façon responsable dans une aire naturelle protégée était bien sûr irréalisable et un non-sens complet, réagit Juliette Renaud, coordinatrice des Amis de la Terre France, dans un communiqué. Tous les risques sur lesquels nous avions alerté depuis cinq ans sont en train de se réaliser un à un, et ce cauchemar ne fait malheureusement que commencer. Après seulement un an de forages pétroliers, le parc des Murchison Falls est déjà en train d’être défiguré, il faut que cela cesse d’urgence !

Des éléphants s’enfuient

De février à juin 2024, AFIEGO, une association ougandaise, et ses partenaires ont mené des recherches pour évaluer l’impact des nouvelles infrastructures pétrolières sur la biodiversité, à partir d’images satellites, mais aussi sur les communautés, à partir d’entretiens avec des personnes qui travaillent ou vivent près du parc. Il en ressort que la faune, particulièrement importante dans le Murchison Falls, est fortement impactée.

La présence de la tour de forage dans le parc a eu un “impact négatif sur les populations d’éléphants”, pointe le rapport publié par AFIEGO et Les Amis de la Terre. Ceux-ci, sous l’effet des vibrations des foreuses, s’éloignent de plus en plus du parc pour aller vers les communautés environnantes. Cinq personnes ont ainsi été tuées par les éléphants entre 2023 et avril 2024 dans les alentours du parc et des cultures dévastées. “Trois éléphants ont débarqué dans notre village. Ils ont commencé à détruire nos bananiers et d’autres plantes, raconte un membre de la communauté après le décès de sa voisine. Lorsqu’elle a entendu les éléphants détruire son petit jardin, elle est sortie de la maison pour les chasser. L’un deux a chargé et l’a renversée au sol. Elle en est morte”.

La présence humaine, ainsi que la pollution lumineuse des tours de forage et le trafic motorisé au sein du parc ont également des impacts sur la faune. Mais aussi sur le tourisme. Le parc de Murchison Falls est l’un des plus anciens, des plus grands, des plus visités et des plus riches en espèces du pays. Il représente donc une ressource essentielle pour la conservation de la biodiversité, le tourisme, la pêche et les moyens de subsistance des communautés locales. Mais désormais, “il ressemble moins à une réserve naturelle qu’à une zone industrielle, ce qui rebute certains touristes”, notent les participants à l’étude.

“Valeur culturelle”

Des craintes existent également sur le tracé de l’oléoduc qui va affecter une zone humide reconnue d’importance internationale et qui joue un rôle important pour les pêcheries alentour. “Le parc national de Murchison Falls est en train de mourir et la combinaison des effets du changement climatique, du braconnage et des activités pétrolières en est directement la cause”, a déclaré l’une des personnes interrogées dans le cadre de la recherche.

La faune et la flore sauvages ont une immense valeur culturelle pour les Ougandais et doivent être préservées. En extrayant du pétrole dans le parc national des Murchison Falls, Total risque de provoquer une érosion culturelle et la perte des moyens de subsistance de centaines de milliers d’Ougandais. Le pays pourrait également subir une baisse considérable de ses revenus touristiques, ce qui serait catastrophique”, résume Diana Nabiruma, de l’association ougandaise AFIEGO. Celle-ci appelle à l’arrêt des forages et au développement d’activités économiques vertes et durables comme l’énergie propre, l’agroforesterie, le tourisme et l’agriculture biologique.

Contacté par Novethic, TotalEnergies rappelle que son “empreinte permanente dans le parc ne représente que 0,03 % de sa superficie”. Le groupe qui collabore avec la Wildlife Conservation Society (WCS) et la Uganda Wildlife Authority (UWA) précise par ailleurs que “les données recueillies jusqu’à présent montrent qu’il n’y a pas eu de changement significatif dans les mouvements des éléphants en lien avec nos activités”. Des systèmes d’éclairage à faible impact ont été installés, assure TotalEnergies qui prévoit également l’arrêt des travaux la nuit si besoin. “De manière générale, notre objectif est de laisser le parc des Murchison Falls et les paysages environnants en meilleur état qu’ils ne l’étaient avant le projet. D’ici 2045, le programme vise à augmenter de 25% la population de lions et d’éléphants, maintenir les populations de bubales de Lelwel, cobs ougandais et de girafes de Nubie”, nous fait savoir un porte-parole.

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