Publié le 4 octobre 2024

Les multinationales seraient devenues trop puissantes pour les démocraties modernes. C’est ce que pense la CSI, la Confédération Syndicale Internationale, qui met en lumière les activités de lobbying anti-social, anti-démocratique et anti-écologique d’Amazon, Meta, ExxonMobil ou encore Tesla.

La puissance des grandes entreprises internationales est-elle une menace pour les démocraties ? C’est en tout cas ce qu’estime la Confédération Syndicale Internationale (CSI) dans une analyse publiée le 23 septembre dernier. L’organisation, qui regroupe plusieurs centaines de groupes syndicaux internationaux représentant plus de 200 millions de travailleurs, pointe notamment du doigt les atteintes aux droits humains, syndicaux et environnementaux par les grandes multinationales.

Amazon, Tesla, Meta, ExxonMobil, les fonds d’investissement Blackstone et Vanguard et la société minière Glencore sont ainsi désignés par la CSI comme les principaux acteurs économiques menaçant la stabilité démocratique dans le monde.

Lobbying en faveur de l’extrême-droite

Anti-démocratiques, ces grandes multinationales le seraient notamment par leurs stratégies d’influence et de lobbying. D’abord, un lobbying actif contre les réglementations sociales et environnementales, incarné par exemple par les efforts de Meta pour contrer les réglementations émergentes sur la gestion des données privées par les acteurs du numérique. En Europe, un véritable bras de fer est d’ailleurs engagé avec les géants américains du numérique sur la question de la régulation du web depuis que le continent s’est doté d’un Digital Security Act, visant à responsabiliser les acteurs du secteur.

Du côté de Glencore et d’ExxonMobil, ce sont les campagnes d’influence contre les droits sociaux des populations indigènes pour l’un, et le financement de campagnes de désinformation climatique pour l’autre qui sont pointés du doigt. Pour la CSI, l’influence des grandes entreprises sur le débat public a pour conséquence que “les politiques progressistes sont bloquées et que les inégalités se renforcent à travers le monde.”

Mais selon la CSI, le lobbying des grandes entreprises s’exerce également directement sur la scène politique, puisque certaines de ces multinationales soutiennent ou financent plus ou moins activement certains partis, et notamment des partis d’extrême-droite dans plusieurs pays. Outre le soutien déclaré d’Elon Musk à Donald Trump ou Javier Milei, président argentin, la CSI note le rôle du patron de Blackstone dans la campagne du candidat républicain américain et dans le financement de groupuscules d’extrême-droite. “Amazon a également financé les efforts de groupes politiques d’extrême-droite visant à saper les droits des femmes et la législation antitrust” ajoute la CSI.

Politiques anti-syndicales

L’organisation met également en lumière la manière dont ces grands groupes ont cherché ces dernières années à brider les libertés syndicales. C’est le cas par exemple pour Amazon ou Tesla, connues pour leur opposition systématique aux mouvements syndicaux dans leurs filiales, au point que leurs assemblées générales ont cette année été marquées par l’enjeu des libertés syndicales. Récemment encore, Tesla avait déclenché la colère des salariés et de leurs instances de représentation en Suède et dans plusieurs pays du nord de l’Europe, à cause de la politique antisyndicale de son patron Elon Musk. Selon la CSI, museler les syndicats est pour ces grands groupes une manière de maintenir leurs stratégies de dumping social en imposant à leurs salariés des conditions de travail dégradées et des salaires plus bas, dans l’optique de maximiser la profitabilité à court terme.

Les grandes entreprises auraient ainsi la capacité “d’écraser” les revendications des citoyens et travailleurs “par des opérations de lobbying dans le cadre de l’élaboration des politiques ou dans le cadre des élections elles-mêmes” et ce, même dans les “démocraties robustes” explique Todd Brogan, directeur des campagnes à la CSI. Contactées par Novethic, les entreprises concernées n’ont pour l’heure pas réagi.

La campagne de la CSI illustre les controverses qui frappent de plus en plus régulièrement les multinationales : entre accusations de greenwashing, de pratiques de lobbying agressif, jusqu’aux polémiques sur l’évasion fiscale et la corruption. Pour préserver un équilibre des pouvoirs fragilisé par la montée en puissance du secteur privé, la CSI appelle à réformer nos institutions économiques, et à développer plus que jamais le dialogue social.

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