Publié le 24 juillet 2024

La crise climatique entraîne une crise chez Porsche. Le constructeur allemand vient d’annoncer des pénuries à la suite des inondations en Europe, provoquant une rupture d’approvisionnement en aluminium. Plusieurs experts pointent son manque de résilience.

C’est un symbole du risque que fait peser le changement climatique sur les entreprises et leurs chaînes d’approvisionnement. Mardi 23 juillet, le groupe allemand Porsche a ajusté ses prévisions à la baisse pour l’exercice 2024. Dans un communiqué, le constructeur automobile a annoncé que plusieurs de ses fournisseurs étaient actuellement touchés par une importante pénurie d’approvisionnement en aluminium. Or, l’aluminium est un composant essentiel pour toutes les carrosseries du groupe.

“Cette pénurie d’approvisionnement est due à l’inondation d’une usine de production d’un important fournisseur européen d’aluminium, qui a informé ses clients par écrit de la survenance d’un cas de force majeure”, lit-on dans le communiqué. A la suite de cette annonce, le titre a chuté de 5% mardi 23 juillet. Contacté par Novethic, Porsche n’a pas souhaité communiquer l’identité du fournisseur mais plusieurs bassins automobiles en Suisse et en Allemagne ont en effet été touchés par des inondations ces derniers mois.

Plusieurs producteurs d’aluminium à l’arrêt

En juin, le constructeur Audi -dont la maison-mère est Volkswagen comme Porsche- en a fait les frais : toute sa production a été paralysée par des inondations massives en Bavière. En Suisse, le producteur américain d’aluminium Novelis, est lui toujours à l’arrêt depuis les inondations qui ont eu lieu fin juin. Même chose pour Constellium, produisant dans le même bassin. Pour l’instant, aucun des producteurs ne sait quand leurs usines vont pouvoir rouvrir.

La remis en état est, selon le directeur du site de Constellium Paul Robillard, “colossale”. Si les deux producteurs ont assuré vouloir maintenir leurs activités sur place, ils veulent obtenir des garanties de sécurisation des sites de production. Le conseiller d’État Christophe Darbellay, en charge de l’Economie a ainsi promis des mesures de protection d’ici à la fin de l’été.

Côté allemand, le chancelier Olaf Scholz a rappelé début juin le rôle du changement climatique. “C’est déjà la quatrième fois cette année que je me rends dans un territoire (inondé, ndlr). C’est un rappel de ce qui est à l’œuvre. Nous ne devons pas négliger notre devoir de stopper le changement climatique provoqué par l’homme”, a-t-il déclaré en visite à Reichertshofen, en Bavière. “Nous devons considérer cet évènement, cette catastrophe, comme un avertissement”, a-t-il ajouté.

Faible résilience de la chaîne d’approvisionnement

En attendant, c’est la faible résilience de la chaîne d’approvisionnement de Porsche qui est pointée du doigt. “Nous sommes surpris par la fréquence à laquelle Porsche est touché par des difficultés d’approvisionnement en comparaison d’autres groupes automobiles dont les chaînes logistiques se sont montrées particulièrement stables depuis que la crise des semi-conducteurs est passée”, souligne Patrick Hummel, chez UBS.

Pour les investisseurs, c’est la douche froide. Le chiffre d’affaires a été revu à la baisse, compris entre 39 et 40 milliards d’euros contre 40 à 42 milliards prévus auparavant, et la part des véhicules électriques a chuté entre 12% et 13% contre 13% à 15% avant les inondations.

“Le “cas de force majeure” ne marche plus vraiment. Pour les entreprises il va falloir intégrer de plus en plus de compétences pour anticiper les pénuries, réintroduire l’idée que les stocks, même s’ils ont un coût, peuvent présenter des bénéfices en termes de résilience, sécuriser des matières premières clefs via des contrats avec les fournisseurs etc., avance Antoine Poincaré, le directeur d’Axa Climate School sur LinkedIn, Ne pas savoir s’adapter à des changements que l’on connaît sera probablement analysé comme une faiblesse par les marchés”.

La chute est d’autant plus lourde pour Porsche qu’au-delà des inondations, ses ventes sont chute libre, notamment en Chine où la baisse est de 33 % au premier semestre. “Même si la direction de Zuffenhausen invoque les inondations chez un fournisseur comme cause, le mouvement du titre vers un plus bas historique raconte une tout autre histoire, prévient Jürgen Molnar, stratégiste des marchés financiers chez le courtier Robomarkets. Les pénuries d’approvisionnement ne doivent pas être les seules responsables de la faiblesse générale de la demande de produits de luxe, notamment en Chine”.

Découvrir gratuitement l'univers Novethic
  • 2 newsletters hebdomadaires
  • Alertes quotidiennes
  • Etudes