Publié le 12 juillet 2024

Une revendication de longue date enfin entendue. Depuis le 28 juin, la canicule est devenue un nouveau motif de chômage technique pour les salariés du BTP. Une avancée majeure dans le droit du travail, saluée par les syndicats et le patronat.

Il est 14h, mardi 18 juin 2023, quand Tony L., 44 ans, s’effondre sur un chantier à Somain, dans le Nord. Le salarié, ouvrier du BTP, a été victime d’un malaise et n’a pu être réanimé malgré l’intervention des secouristes. Officiellement, onze personnes sont décédées pendant l’été 2023 des suites de la canicule sur leur lieu de travail. Selon Santé Publique France, “près de la moitié de ces accidents du travail mortels sont survenus dans le cadre d’une activité professionnelle de construction et de travaux”. Un chiffre sous-estimé pour les associations en raison de la difficulté à attribuer tel ou tel accident aux fortes chaleurs.

Dans le secteur du bâtiment et des travaux publics, les vagues de chaleur de plus en plus fréquentes et intenses mettent à rude épreuve le corps des ouvriers, jusqu’à présent sans protection du Code du travail. Mais un nouveau décret, publié au Journal Officiel le 28 juin, est venu redresser le tir. Après la neige, le gel ou encore le vent, la canicule rejoint la liste des intempéries reconnues en France comme un motif de chômage technique pour les ouvriers du bâtiment.

Une avancée “majeure” pour la santé des salariés du BTP

“Cette avancée majeure est le résultat de six années de travail et de négociations !“, se réjouit auprès de Novethic Frédéric Mau, secrétaire fédéral de la CGT Construction et salarié chez Eurovia, filiale de Vinci. “Reconnaître la canicule comme une intempérie, c’est vraiment pour préserver la santé des salariés, contrairement aux intempéries d’hiver qui concernent plus la préservation des matériaux”, explique-t-il. Jusqu’à présent, en période de canicule, l’employeur avait pour seule obligation de mettre en place “des moyens adaptés” pour assurer la sécurité de ses employés (travail en horaire décalé, mise à disposition d’eau, …).

Du côté du patronat, on se félicite également de cette mesure. “On est aujourd’hui très satisfaits que le gouvernement ait sorti ce décret que l’on attendait. On sait que les périodes de canicule qui ne sont aujourd’hui que de quelques jours par an vont croître dans les années à venir, donc on voulait être prêts à dire à nos salariés qu’ils seront protégés et indemnisés”, réagit Olivier Salleron, président de la Fédération française du bâtiment.

Dès cet été, lorsque Météo France émettra une alerte de vigilance canicule orange ou rouge, c’est-à-dire au moins trois jours et trois nuits consécutifs de fortes chaleurs, le travail sur les chantiers devra cesser. Très proche dans le fonctionnement du chômage partiel, ce dispositif dit de “chômage intempérie” a été mis en place par le secteur du BTP au sortir de la guerre, dans le but de minimiser les coûts en cas d’arrêt des chantiers en raison d’une mauvaise météo.  Concrètement, le salarié privé de travail continuera de percevoir 75% de son salaire brut, quant à son employeur, remboursé normalement à 85% de la somme qu’il verse à son employé, verra ce remboursement minoré en cas de canicule.

Quid des pics de chaleur ?

Cette minoration fera l’objet d’une expérimentation qui durera trois ans afin d’évaluer la quantité de recours à ce chômage pour ajuster ou non les cotisations des entrepreneurs. Un point qui laisse dubitatif le représentant de la CGT, Frédéric Mau, qui craint que “les entreprises hésitent à mettre leurs salariés au chômage”. Quant au montant des indemnités versées aux ouvriers, il relativise également. “Le versement qui sera fait correspond plutôt à 50% de la rémunération, comme nous avons beaucoup d’indemnités de déplacement ou de repas”, note-t-il.

Le fonds d’indemnisation lié aux intempéries – abondé par les entreprises – “servait surtout en hiver, mais c’est de moins en moins le cas avec le changement climatique”, nous explique Patrick Blanchard, secrétaire national de la CFDT Construction. Tout en ajoutant que  “l’intégration de la canicule parmi les intempéries déjà couvertes ne devrait pas se traduire par une augmentation des cotisations des employeurs mais par un transfert de celles prévues pour les épisodes de gel ou de neiges désormais moins fréquents en France”.

Un dernier point soulevé par les syndicats est celui des pics de chaleur – ces épisodes de fortes chaleurs qui ne durent qu’un ou deux jours – qui ne rentrent pas dans le dispositif. “Ces pics de chaleur ne sont pas moins dangereux pour les salariés que les épisodes de canicule”, nous explique Patrick Blanchard. C’est pour cette raison qu’il appelle les salariés et les employeurs à en tenir compte, malgré l’absence de législation.

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