Publié le 20 mai 2024

Dans moins d’un mois, les Européens vont dessiner le nouveau visage du Parlement. Alors qu’en Allemagne, une coalition de grandes entreprises a dénoncé la montée de l’extrême droite, le milieu économique français reste en retrait.

Les entreprises allemandes s’opposent à l’extrême droite. Plusieurs poids lourds comme BASF, BMW, Deutsche Bank… ont signé une tribune le 7 mai dénonçant la montée de l’AfD dans les sondages. A quelques semaines des élections européennes, le parti d’extrême droite enregistre 15% des intentions de vote. “L’isolationnisme, l’extrémisme et la xénophobie sont un poison pour les exportations allemandes et les emplois”, a commenté dans un communiqué Christian Bruch, le PDG de Siemens Energy, membre de l’alliance. Cette prise de position est rare pour le monde économique allemand.

En France, on marche sur des œufs alors que le Rassemblement National enregistre, lui, 30 % des intentions de vote. “Je regrette que les entreprises ne se prononcent pas plus”, tance ainsi Beatrice Delpech, directrice générale adjointe d’Enercoop. Les prises de parole se font rares, tant du côté des grandes entreprises que des syndicats d’employeurs.

“Les organisations patronales font souvent profil bas dans ces conjonctures, explique à Novethic Michel Offerlé, professeur émérite à l’ENS-Ulm et spécialiste des patronats. Du fait de leurs affiliés et aussi parce que trop d’européisme de la part d’organisations considérées comme grand patronales peut être contre-productif”, ajoute-t-il. On pourrait même croire à la montée d’un sentiment anti-européen tant la défense est faible.

Les organisations patronales auraient-elles perdu leur europhilie ?

Entre le Pacte vert européen, le devoir de vigilance (CSDDD) ou encore la directive sur le reporting de durabilité des entreprises (CSRD), les organisations patronales et les grandes entreprises ont sorti l’artillerie lourde ces dernières années pour dénoncer le poids des normes européennes. Le premier axe du document du Medef présentant ses “30 propositions pour une Europe qui entreprend” est ainsi un “choc de simplification” de la “production de réglementations”. Et celui du livret blanc de la CPME s’intitule “Stopper la sur-réglementation européenne”. Les organisations patronales auraient-elles perdu leur europhilie ?

“Nous avons foi dans l’Europe et une conviction profonde que l’Europe est la solution, pas le problème”, a défendu le président du Medef, Patrick Martin, lors de la conférence de presse de présentation de ces 30 propositions début avril. Conscient des nombreuses attaques envers Bruxelles, le patron des patrons a réaffirmé la position pro-européenne de son groupe, tout en reconnaissant “parfois de la rancœur”.

L’enjeu est en effet primordial pour le tissu économique français. “On sous-estime le fait que les réglementations européennes ont un impact à la fois sur les entreprises et à la fois sur les salariés, commente Maud Stéphan, déléguée générale de Réalités du dialogue social, Le congé parental par exemple est à l’origine une initiative européenne qui date des années 90″.

Une défense en ordre dispersé

Patrick Martin est bien conscient du poids des réglementations européennes. Il a ainsi renforcé la présence du Medef à Bruxelles alors que les Allemands étaient, eux, trois fois plus nombreux, nous explique Maud Stéphan. “Les organisations patronales sont indirectes : elles écoutent (audition de tous les candidats sans discrimination) mais n’interviennent pas directement, rappelle Michel Offerlé. D’ailleurs elles préfèrent la quiet politics, l’entregent et l’influence aux prises de position publiques.”

La défense pro-européenne publique du monde économique se fait donc en ordre dispersé. Le 7 mai dernier quatre dirigeants du CAC40 dont Catherine MacGregor, directrice générale d’Engie et Thomas Buberl, directeur général d’AXA, ont appelé dans une tribune au Figaro à garder le cap de la transition écologique. “Si nous voulons que cette “décennie décisive” sur le chemin des accords de Paris ne soit pas une décennie perdue, il ne faut pas dévier du cap que nous nous sommes collectivement fixé”, écrivent-ils. Le 20 mai, c’est le mouvement Impact France qui s’est positionné en proposant sur son site un décryptage des programmes économiques de chaque candidat.

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