Publié le 12 avril 2024

La loi Zéro artificialisation nette des sols (ZAN) ne s’appliquera pas à tous. Le gouvernement a révélé la liste des projets “d’envergure nationale” qui y échapperont. Sur les 167 exemptions, celles concernant les routes pèsent 28 % des surfaces. Un “droit à bétonner” dénoncé alors que le projet très controversé de l’A69 entre Toulouse et Castres fait partie des exceptions à la loi.

718 hectares pour le Grand port maritime de Dunkerque, 70 pour une mine de lithium dans l’Allier, 54 pour le site industriel d’Airbus… le ministère de la Transition écologique a dévoilé lors d’un point presse le 10 avril la liste des projets “industriels” qui pourront être exclus du dispositif “zéro artificialisation nette des sols” (ZAN) et ainsi déroger à la loi Climat et résilience. L’arrêté devrait être publié très prochainement.

Pour bien comprendre l’enjeu de cette liste, il faut revenir en arrière. Le texte concerné, la loi “Climat et résilience”, issu de la Convention citoyenne et voté en 2021 visait initialement le ZAN en 2050, avec pour objectif intermédiaire la réduction de moitié de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers (Enaf) d’ici 2031. Soit diviser l’artificialisation par deux en dix ans pour passer de 250 000 à 125 000 hectares artificialisés entre 2021 et 2031, et puis plus aucune artificialisation à l’horizon 2050, à moins de “renaturer” des surfaces équivalentes.

En juillet dernier, face à la levée de boucliers de certains élus locaux (le dispositif doit être piloté par les régions) et chefs d’entreprise, la loi a été “assouplie”. Le texte prévoit notamment d’exclure les “projets d’envergure nationale” du décompte des zones artificialisées, à hauteur de 12 500 hectares.

28 % de projets routiers

Au total, une première liste de 167 projets, “les plus matures et les plus précis” a été dévoilée, ainsi qu’une deuxième, comportant 267 projets “qui manquent à ce stade de maturité” mais qui “vise à donner de la visibilité aux collectivités locales”. Transmise aux élus locaux, la liste fera l’objet d’une consultation publique durant un mois, précise le cabinet de Christophe Béchu. “Les projets industriels pèsent pour 30 % de la liste des projets”, explique le ministère. Mais ce ne sont pas les seuls à être exemptés de la loi ZAN.

Selon nos calculs, 28 % des projets de la liste 1 échappant à la ZAN sont des projets de routes, pesant 3 221 hectares sur 11 870 hectares. Parmi eux, l’aménagement autoroutier A154 / A120 artificialisant 576 hectares, l’aménagement routier Contournement Ouest de Nîmes pour 155 hectares et… le fameux projet de l’A69 destiné à relier Toulouse à Castres représentant, lui, 353 hectares. “Tous les projets d’autoroute sont d’un autre siècle. Ce n’est plus le moment de faire des autoroutes”, dénonce auprès de Novethic, Jean-Claude Bevillard, administrateur de France Nature Environnement Haute-Savoie. “Il y aura sûrement quelques infrastructures à élargir, éventuellement, mais cela doit rester très à la marge. Si on ajoute des exemptions aux exemptions, la loi n’aura plus de sens”, ajoute-t-il.

“Des lois sont faites mais ne sont pas appliquées”

L‘A69 est un des projets les plus décriés du moment en raison des hectares agricoles bétonnisés et des nombreux arbres à abattre. Depuis des mois, les associations se mobilisent sur place pour tenter de stopper le chantier. Grève de la faim, grève de la soif, ZAD… interrogé par Novethic, l’activiste Thomas Brail qui avait été hospitalisé en septembre dernier après avoir passé plusieurs jours perché sur un arbre devant le ministère de la Transition écologique à Paris, ne cache pas sa lassitude. “Des lois sont faites mais ne sont pas appliquées”, se désole-t-il.

Face à la mobilisation, l’ancien ministre des Transports, Clément Beaune, n’avait pas plié sur l’A69. Il avait par contre annoncé en janvier dernier qu’il annoncerait prochainement “des mesures inédites d’abandon de projets autoroutiers”. “Il est clair qu’on va réduire la part des projets routiers – il n’y en aura pas zéro, il y en aura moins – pour donner une priorité assumée aux transports publics et au transport ferroviaire”, avait-il affirmé. Une liste qui n’a jamais été dévoilée, Clément Beaune ayant été débarqué quelques jours plus tard dans le sillage du remaniement.

Pour rappel, au cours de la dernière décennie en France, entre 20 000 et 30 000 hectares ont été artificialisés chaque année en moyenne. Soit un peu plus de deux fois la surface de Paris. Au total, 276 377 hectares ont été bétonnés entre 2009 et 2019. “C’est en réalité la loi du droit à bétonner”, a dénoncé sur les réseaux sociaux Vanessa Logerais, fondatrice de l’agence de conseil et de communication durable Parangone.

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