Xcel Energy, fournisseur d’électricité américain, a admis que ses lignes de distribution d’électricité étaient en cause dans le déclenchement de l’incendie qui ravage en ce moment le Texas. “En s’appuyant sur les informations disponibles actuellement, Xcel Energy reconnaît que ses installations paraissent être impliquées dans le départ du feu Smokehouse Creek”, a ainsi indiqué l’entreprise dans un communiqué. L’incendie aurait été déclenché par une défaillance ou un problème technique sur les lignes électriques d’Xcel Energy le 26 février.
Le feu s’est ensuite étendu jusqu’à l’Etat voisin de l’Oklahoma, détruisant au passage près de 500 000 hectares en deux semaines, ainsi que des habitations et des infrastructures et tuant plusieurs milliers d’animaux d’élevage. L’incendie, le plus important qu’ait connu le Texas, est aujourd’hui pratiquement circonscrit, mais les questions sur la responsabilité du producteur d’électricité restent brûlantes. Xcel Energy fait ainsi l’objet de plusieurs plaintes et actions en justice pour négligence dans l’entretien des infrastructures électriques liée à l’incendie. L’entreprise a fait savoir par communiqué qu’elle contestait “les allégations selon lesquelles elle aurait fait preuve de négligence”.
Lignes électriques, l’étincelle qui déclenche les feux
Une chose est sûre : les infrastructures électriques sont connues pour concentrer les risques en matière d’incendie, et ce, d’autant plus lorsque les conditions météorologiques sont favorables à l’embrasement. Or justement, le Texas vit actuellement une situation très propice aux feux : les températures élevées des dernières semaines font suite à un été et un automne humides… C’est ce que les spécialistes américains des feux appellent le “wildfire paradox” (paradoxe des incendies). Dans ces grandes plaines, les saisons humides permettent à la végétation de se développer, créant un réservoir de combustible pour les incendies. “L’herbe pousse plus, et lorsque l’on entre dans la saison de dormance de l’hiver et du début du printemps, ces fines charges de combustible sont vulnérables aux incendies”, explique ainsi Todd Lindley, spécialiste des feux des plaines du Sud à la NOAA (Agence gouvernementale météorologique des États-Unis). Lorsque les températures augmentent, et que des vents forts assèchent rapidement la végétation, la moindre étincelle peut provoquer un brasier.
C’est ce qui s’est produit cet hiver avec notamment des températures frôlant les 28-30 degrés, des niveaux rarement atteints, accentués par le réchauffement climatique. Le climatologue John Nielsen-Gammon explique ainsi à la Texas Tribune : “Si le réchauffement climatique a un rôle, c’est en [favorisant] le climat des incendies : des températures record, une faible humidité et des vents forts”. Dans ces conditions, la moindre défaillance provoque des feux qui se diffusent particulièrement vite, et constituent donc un risque majeur pour les énergéticiens. Xcel Energy, bien conscient du risque, a d’ailleurs envoyé à ses clients dans le Dakota du Sud et le Minnesota un message d’alerte : “les conditions sèches et les vents violents devraient créer des risques accrus d’incendies de forêt dans votre région. […] Pendant cette période de risque élevé d’incendies de forêt, Xcel Energy exploitera son système électrique dans certaines zones de manière à réduire le risque.”
Le réchauffement climatique, facteur aggravant des incendies électriques
En 2021, le Bureau Climatologique de l’Etat du Texas publiait un rapport indiquant que “les facteurs météorologiques et climatiques devraient augmenter le risque d’incendies de forêt dans tout l’État, principalement en raison de l’augmentation des taux de séchage et de l’augmentation de la charge en combustible”. Mais plus largement, partout dans le monde, les dérèglements climatiques pourraient constituer un risque pour les infrastructures électriques.
Ce n’est ainsi pas la première fois qu’un producteur ou fournisseur d’électricité est impliqué dans des incendies. Le principal fournisseur d’électricité d’Hawaï avait déjà été pointé du doigt lors des feux qui avaient frappé l’archipel en août 2023. Aux Etats-Unis, Pacific Gas & Electric Company (PG&E) avait été la première entreprise déclarée en faillite, suite aux incendies qui avaient dévasté la Californie. Dans un contexte de réchauffement climatique, qui amplifie les tensions et les risques sur les réseaux, ce type de situation devrait être amené à se reproduire.
En France, le gestionnaire du réseau électrique, Réseau de Transport d’Electricité (RTE), explique ainsi que “pour le réseau, réchauffement rime aussi avec problèmes de maintenance” et qu’une “exposition directe des lignes au soleil, en pleine canicule, sans vents pour les rafraîchir, ainsi qu’une quantité importante de courant à transporter, affectent les lignes [qui] surchauffent et peuvent atteindre jusqu’à 90°C.” RTE prévoit ainsi de traiter ces questions dans un rapport sur l’adaptation du réseau électrique aux changements climatiques, qui devrait être publié cette année.