Publié le 16 juin 2023
Le paquet nature du Green Deal, qui doit permettre d'atteindre la neutralité carbone au sein de l'Union européenne, verra-t-il le jour ? Il est permis d'en douter tant les attaques à son encontre se multiplient. Un vote crucial devait avoir lieu le 15 juin en commission Environnement du Parlement mais il a été reporté, mettant la loi sur la renaturation de la nature en sursis. Ce texte est pourtant indispensable car il doit traduire les engagements pris par l'UE dans le cadre de la COP15 Biodiversité. 

Un vote crucial était attendu jeudi 15 juin. Les eurodéputés de la commission Environnement du Parlement européen devaient se prononcer sur la loi de restauration de la nature, l’équivalent de la loi climat européenne pour la biodiversité. Elle vise à restaurer 30% des écosystèmes terrestres et marins dégradés d’ici 2030, conformément à l’accord de Kunming-Montréal, adopté à la COP15 en décembre dernier. Elle prévoit aussi l’extension de zones "à haute diversité" (haies, mares, jachères, tourbières…) avec l’objectif indicatif qu’elles représentent 10% des terres agricoles à l’échelle de l’UE.  
Mais depuis plusieurs semaines, la droite et l’extrême-droite sont vent debout contre le texte. Le PPE, le Parti populaire européen, première force au sein du Parlement européen, avait même quitté la table des discussions exigeant un moratoire sur ce texte. Après le rejet du texte en Commissions Agriculture et Pêche, fin mai, le vote de la commission Environnement est particulièrement décisif car si le texte est de nouveau rejeté, les chances de le voir aboutir en plénière se révéleraient quasi nulles.  

"C’est la biodiversité qu’on assassine" 


Après trois heures d’intenses débats et de votes serrés sur des centaines d’amendements, les eurodéputés ont finalement reporté au 27 juin leur vote final. "Je me réjouis que l’amendement de rejet de la droite et de l’extrême-droite ait été rejeté", a immédiatement réagi sur Twitter Pascal Canfin, eurodéputé Renew et président de la commission Environnement. Il s’en est fallu de peu avec 44 voix pour, 44 contre, aucune abstention. "Je suis effaré de voir la droite européenne dériver chaque jour plus vers le populisme le plus radical de l’extrême droite au détriment du vivant, de l’économie et des agriculteurs", regrette-t-il.  
Le texte est-il pour autant sauvé ? "Non", s’empresse de répondre à Novethic Marie Toussaint, eurodéputée Verte. "Le vote du 27 juin sera également extrêmement serré", prévient-elle. "Le blocage de ce matin constitue une attaque en règle contre le climat, la nature, les paysannes et les paysans, et notre avenir. La guerre contre la nature continue à Bruxelles. En plein effondrement accéléré de la biodiversité, c’est purement criminel, c’est la biodiversité qu’on assassine !" 
Concrètement, la loi va demander à chaque État européen de mettre en place des mesures de restauration sur ses écosystèmes dégradés. "C’est par exemple supprimer des vieux barrages sur les rivières qui gênent inutilement les habitats des poissons, établir des haies ou des petits bosquets d’arbres sur des exploitations agricoles pour créer des refuges pour les insectes qui vont ensuite polliniser les cultures et travailler les sols, réhumidifier les tourbières asséchées qui vont absorber de grandes quantités de carbone…", détaille Pascal Canfin. Les opposants au texte mettent quant à eux en avant le risque que la proposition fait peser sur la production alimentaire et le coût de la vie.

Plus de 3 300 scientifiques soutiennent le texte


Plus de 3 300 scientifiques mais aussi 50 entreprises parmi lesquelles Ikea, Nestlé, ou encore Iberdrola ont publiquement apporté leur soutien au texte, avec ce slogan ‘la nature est notre business, notre avenir, notre vie". L’Union européenne se doit en outre de "montrer l’exemple" après l’adoption du cadre mondial de la biodiversité lors de la COP15 "en traduisant dans les meilleurs délais ses engagements internationaux sous la forme d’une loi ambitieuse pour la biodiversité" analyse Arnaud Schwartz, président de France Nature Environnement. "Retarder l’adoption de ce texte à une date ultérieure risquerait de conduire à l’abandon de ce projet", prévient l’ONG.  
Le temps presse. Car si le texte n’est pas adopté avant les élections européennes de 2024, il risque en effet de finir dans les limbes. Le risque est aussi de mettre en péril l’ensemble du Green Deal, qui doit permettre à l’Union européenne d’atteindre la neutralité climatique d’ici 2050. Il vacille déjà depuis quelques mois. L’Allemagne avait choqué en mettant son veto sur la fin des véhicules thermiques en 2035 à la dernière minute. Actuellement, c’est la France qui bloque l’adoption de la directive sur les énergies renouvelables
Concepcion Alvarez

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