Après plus de six ans de bataille judiciaire Samsung France a été mise en examen pour "pratiques commerciales trompeuses" en avril dernier. C’est ce que viennent d’annoncer les ONG à l’origine de la plainte, Sherpa et Action Aid pour des peuples solidaires. Une première en France et un "nouveau pas décisif dans la lutte contre l’impunité des entreprises multinationales, un an après la mise en examen de Lafarge pour le maintien de ses activités en Syrie", soulignent-elles dans un communiqué.
La démarche judiciaire est la même que celle qui avait été mise en œuvre contre Nike il y a 20 ans dans l’affaire des "sweat shops". Elle permet, à travers une procédure française, de mettre en lumière les conditions de travail des ouvriers de Samsung dans ses usines asiatiques. Des conditions qui contreviennent aux engagements éthiques du groupe et qui induisent donc le consommateur français en erreur, estiment les ONG.
Rendre contraignants les engagements volontaires des entreprises
Elles s’appuient sur des rapports d’ONG locales (telle China Labor Watch) qui dénoncent depuis 2012 l’emploi d’enfants de moins de 16 ans dans les usines d’assemblages, l’exposition des salariés aux substances toxiques, des horaires de travail abusifs et des conditions d’hébergement indignes. Des pratiques qui viennent d’être corroborées par une enquête d’un média d’investigation coréen, Hankyoreh, sur les usines Samsung au Vietnam, en Inde et en Indonésie, publiée en juin.
La procédure a un autre mérite juridique selon les ONG : "elle permet de faire entrer dans un cadre légalement contraignant les engagements éthiques que prennent les multinationales pour le respect des droits fondamentaux des travailleurs alors même que celles-ci les estiment uniquement volontaires". Dans ses communications, Samsung proclame en effet mettre l’accent sur les hommes et la planète avec des slogans de type "Ensemble, un futur plus vert" ou "People First" en contrôlant "les impacts financiers et non financiers que nous exerçons sur la société par ces différents processus, de manière à maximiser les impacts positifs et à minimiser les impacts négatifs".
Combler les vides de la loi sur le devoir de vigilance
Selon Sherpa et Action Aid, l’affaire Samsung pourrait ainsi "combler un vide juridique puisque la loi sur le devoir de vigilance ne s’applique qu’aux plus grandes entreprises, excluant de son champ Samsung France*". De quoi inciter le législateur à baisser les seuils de la loi, espèrent-elles. D’autant que le fondement de la mise en examen pour "pratiques commerciales trompeuses" ne permet pas aux ouvriers de Samsung d’être indemnisés…
Contacté par Novethic, Samsung France conteste le bien fondé de la plainte. "Nous considérons qu’il est de notre responsabilité de veiller à ce que Samsung Electronics, ses fournisseurs et sous-traitants suivent les meilleures pratiques relatives aux conditions de travail et à la protection de l’environnement ainsi qu’au respect des règlementations locales. Lorsqu’un problème potentiel est identifié, nous menons une enquête et, s’il est avéré, nous prenons les mesures nécessaires pour corriger la situation", assure un porte parole, précisant ne pouvoir faire aucun commentaire sur une procédure en cours
Béatrice Héraud @beatriceheraud
*Une plateforme plan-vigilance.org réalisée par Sherpa et le CCFD-Terre solidaire liste les entreprises qu’elles estiment concernées par la loi (aucune liste officielle existe à ce jour).
Publié le 8 juillet 2019
Samsung Electronics France, a été mise en examen pour "pratiques commerciales trompeuses". Derrière cette accusation, se cachent de possibles violations des droits de l’homme dans les usines du géant de l’électronique sud-coréen qui tranchent avec les engagements éthiques affichés par le groupe. Avec cette démarche juridique innovante, les ONG à l’origine de la plainte, veulent marquer un pas "décisif" dans la "lutte contre l’impunité des multinationales".
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