Publié le 19 janvier 2024
Lucie Pinson, la militante anti-charbon, aujourd'hui à la tête de Reclaim Finance pour décarboner le secteur financier, va continuer en 2024 son combat contre les énergies fossiles. Novethic lui a demandé quel serait son vœu le plus cher pour cette nouvelle année, il est particulièrement précis : "Pour que chaque dollar investi dans les énergies fossiles, six dollars aillent aux énergies soutenables". Un ratio dont on est encore bien loin.

Lucie Pinson, en tant que directrice de l’ONG Reclaim Finance, quel est votre vœu pour 2024 ?


Lucie Pinson : Notre vœu au sein de Reclaim Finance est que pour chaque dollar alloué chaque année aux énergies fossiles, six dollars aillent aux énergies soutenables. On entend par là des énergies qui répondent aux impératifs de baisse des émissions de gaz à effet de serre sans compromettre ou avoir des impacts négatifs sur la biodiversité et les droits humains. Il s’agit principalement de l’éolien, du solaire et des réseaux, des secteurs qui tirent déjà aujourd’hui l’électricité décarbonée. Cette définition fait également écho aux enjeux de sobriété car il ne suffit pas de décarboner nos usages mais aussi de réduire nos consommations et de renoncer à certaines pratiques.

Où en est-on aujourd’hui de ce ratio un pour six ?


L.P. : C’est un ratio cible pour 2030, basé sur le scénario Net Zero de l’Agence internationale de l’énergie, mais c’est ce sur quoi Reclaim Finance va travailler cette année. Aujourd’hui, les grandes banques ne consacrent que 1,6 euro aux énergies propres pour chaque euro investi dans les fossiles. On a par ailleurs des banques qui s’engagent sur plein de choses mais c’est la Tour de Babel, il y a de tout, des périmètres différents pour chaque engagement. Ce n’est pas efficace pour répondre à des objectifs précis de transition énergétique. Globalement, elles continuent de prendre tout cela à la légère et aucune n’a d’objectifs de financements à 2030 donc nous poussons pour qu’elles en fixent. Atteindre ce ratio suppose également de stopper l’expansion des énergies fossiles, un autre de nos chantiers prioritaires pour 2024.

Y a-t-il quand même des avancées à saluer ?


L.P. : On accueille favorablement la proposition d’Emmanuel Macron de mettre en place un taux d’intérêt vert (pour les projets ayant un impact positif sur le climat, ndr) et un taux d’intérêt brun (pur les projets néfastes pour le climat, ndr). Il faut des incitations règlementaires pour faciliter les financements dans les pays du Sud en rendant les projets profitables. Si plusieurs leviers peuvent être activés pour obtenir ce différentiel, une option apparait particulièrement efficace et pertinente : la création d’un taux différencié par la Banque centrale européenne (BCE). Elle pourrait définir un taux plus bas pour le financement d’activités “vertes”, en commençant par les énergies soutenables et la rénovation énergétique. Cette mesure pourrait être appliquée sans changement de mandat de la BCE. En effet, celle-ci a pour mandat de maintenir la stabilité des prix et de soutenir les politiques, notamment climatiques, de l’Union européenne. Or, la crise climatique et notre dépendance aux énergies fossiles sont des sources importantes de volatilité des prix et peuvent déclencher des chocs inflationnistes.
Propos recueillis par Concepcion Alvarez

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