“C’est une immense déception de voir la loi industrie verte amputée de sa dimension la plus ambitieuse“, regrette Alexandre Holroyd, député Renaissance et président de la Commission de Surveillance de la Caisse des dépôts qui portait l’amendement sur le “Say on climate”. Il ajoute : “la disposition avait pourtant reçu une approbation trans-partisane à l’Assemblée nationale“. La navette parlementaire entre les deux assemblées a été fatale pour cette proposition qui visait à créer le premier cadre règlementaire instaurant un dialogue sur les stratégies climatiques des entreprises au sein des assemblées générales.
Les groupes Renaissance et les Républicains ont préféré l’évacuer de la version finale du texte qui doit être adopté dans les jours qui viennent. Ce rendez-vous manqué traduit les fractures du moment autour de la future transformation écologique des entreprises. L’opposition de l’Afep à ce projet d’amendement laisse penser que les scénarios climatiques des entreprises sont encore loin d’être alignés sur l’Accord de Paris. Cela est probable, comme l’a montré le travail d’analyse des huit Say on climate déposés en France aux assemblées générales de 2023. Mené conjointement par l’Ademe et le Forum pour l’investissement responsable (FIR), il a donné une note juste au-dessus de la moyenne pour les quatre acteurs immobiliers Icade, Klépierre, Covivo et Altarea, ainsi qu’à EDF. En revanche, TotalEnergies et Vallourec ont obtenu respectivement 7/20 et 9/20. Seule la société Schneider Electric a obtenu une vraie bonne note : 14/20.
Créer une émulation sur les stratégies climatiques
L’idée d’instaurer un Say on Climate consistait à créer une véritable émulation autour des stratégies climatiques des grandes entreprises cotées pour qu’elles proposent et partagent avec leurs actionnaires des ambitions climatiques à la hauteur de l’urgence. L’Afep qui n’était pas favorable au dispositif estime que ce projet de “say on climate” constituait “une surtransposition des textes européens“, en particulier de la CSRD créant ainsi “une exception française qui nuirait à l’attractivité de la place de Paris“.
Sa directrice générale adjointe, Stéphanie Robert, explique ainsi le refus de soumettre au vote les stratégie climat. “Même consultatif, un vote risque de faire apparaître des antagonismes et freiner les sociétés dans le développement de leur stratégie. En effet, on constate que dans les pays anglo-américains, les investisseurs sont de moins en moins enclins à soutenir des stratégies ESG. Le financement de cette transition climatique ne doit, en aucune façon, devenir l’otage de ceux qui souhaitent privilégier la performance financière court terme au détriment des enjeux de durabilité“, explique-t-elle.
Le code AFEP Medef recommande de faire de la stratégie climat un point systématique à l’ordre du jour. Pour l’instant c’est surtout une source de chahut dans les AG et de bagarre entre petits actionnaires et ONG. L’idée serait de pouvoir proposer des “scenarios climat dépassionnés”, comme les appelle BlackRock. D’autres s’inquiètent de l’efficacité d’une transition énergétique qui essaie de fédérer des investisseurs de toutes nationalités et aux horizons de placements très différents. Alexandre Holroyd de son côté espère pouvoir réintroduire le dispositif via une autre loi, plus tard.■