La Banque centrale européenne pourrait hausser le ton contre deux établissements bancaires encore présents en Russie. La banque italienne Unicredit pourrait ainsi bientôt recevoir des recommandations pressantes de la part du régulateur pour qu’elle accélère son désengagement du marché russe, selon des informations de Reuters. Unicredit est la deuxième banque européenne la plus importante en Russie. Elle a commencé à réduire son exposition, mais détient encore près de 14,5 milliards d’euros d’actifs dans le pays et y a réalisé un chiffre d’affaires de 1,1 milliard d’euros en 2023.
Interrogée par Novethic, la BCE ne fait pas de commentaires sur les affaires concernant des banques nominatives. Mais dans une interview au Financial Times, Claudia Buch, présidente du conseil de surveillance de la banque centrale, explique que “pour les banques de l’euro zone qui y sont toujours présentes, et je ne commente pas sur un cas spécifique, nous leur avons donné des attentes claires sur ce que l’on attend en termes de réduction de leurs activités et sur leurs stratégies de sortie“. Selon elle, les banques ayant des activités en Russie font face à un risque réputationnel, mais aussi à des difficultés pour gérer leurs activités dans un environnement d’affaires compliqué par la guerre.
Les activistes demandent une sortie rapide de Russie
L’Autrichienne Raiffeisen bank international (RBI) voit justement sa réputation être sévèrement entachée par sa forte présence en Russie. Le 4 avril, lors de son assemblée générale à Vienne, des activistes se sont rassemblés pour demander aux administrateurs de fermer la filiale russe. Une pétition en ligne organisée par les ONG B4Ukraine et BankTrack a déjà réuni près de 52 000 signatures. Raiffeisen est en effet la plus grande banque étrangère active en Russie, emportant près de la moitié des flux d’argents entre la Russie et le reste du monde, et détenant plus de 20 milliards d’euros d’actifs dans le pays.
Tout comme l’Italienne Unicredit, RBI devrait également faire l’objet de pressions renforcées de la part de la BCE. La banque autrichienne a publié un communiqué le 18 avril dernier avouant s’attendre à une nouvelle mise en demeure du régulateur européen, pour accélérer sa sortie du marché russe. Selon la banque autrichienne, la BCE pourrait lui demander de réduire de 65% ses encours de prêts d’ici 2026 ainsi que les payements internationaux émanant de Russie.
RBI affirme pourtant avoir lancé un processus de désengagement de Russie depuis février 2022. Selon elle, son encours de crédit a baissé de 56% sur la période et est tombé à 6 milliards d’euros fin 2023. Elle a également annoncé un accord avec un oligarque russe pour acquérir sa part dans la société de BTP autrichienne Strabag, payé avec les profits de sa filiale russe. L’accord, original, doit permettre in fine de réduire l’exposition de la banque aux actifs russes. RBI travaille également à une vente de sa filiale locale, tout en craignant que la potentielle mise en demeure de la BCE, bien plus ambitieuse que sa propre feuille de route, ne nuise aux négociations.
Une sortie qui coûte cher
En France, la Société générale a payé cher son désengagement. En 2022, elle a décidé de céder Rosbank, sa filiale locale, au groupe russe Interros et cesser ses activités de banque et d’assurance. L’opération s’est traduite pour la banque française par une perte de près de 3,2 milliards d’euros. De nombreuses entreprises de tous secteurs ont décidé dès le début de la guerre et l’annonce de sanctions de réduire leurs activités en Russie, tandis que d’autres se font tirer l’oreille.
Le Forum pour l’investissement responsable et des sociétés de gestion ont lancé une campagne de questions en assemblée générale auprès de neuf grands groupes français présents en Russie (Accor, Bic, Bonduelle, Danone, LVMH, Orange, Pernod Ricard, Saint-Gobain et Teleperformance). Ils demandent notamment combien de personnes y sont employés et comment l’entreprise s’assure du respect des droits humains dans le cadre du conflit avec l’Ukraine.