Le label Greenfin change de position sur le nucléaire. L’arrêté du ministère de la Transition écologique actant une évolution majeure des critères du label (dont Novethic est auditeur) a été publié le 9 janvier 2024. Il intègre désormais les activités liées à l’énergie nucléaire parmi les secteurs “entrant dans le champ de la transition énergétique et écologique“. Les fonds labellisés pourront donc désormais investir dans “l’ensemble des activités économiques permettant la production d’énergie à partir de technologies nucléaires“.
Aprement discuté au sein du comité du label par les ONG environnementales qui en sont membre, cette intégration est un changement de pied radical. Depuis sa création en 2015, le label Greenfin affichait une exclusion de toutes les énergies qui n’étaient à l’époque pas considérées comme vertes : fossiles et nucléaires. Il affichait également la nécessité d’avoir une part verte significative d’investissement. Ségolène Royal, alors ministre de l’Environnement, avait obtenu cette définition dans un contexte où la loi Climat et résilience prévoyait de plafonner la part du nucléaire dans le mix énergétique français à 50% d’ici 2035. Elle avait aussi choisi un nom particulier pour cette première version du label TEEC pour Transition Energétique et Ecologique pour le Climat. Rebaptisé Greenfin en 2019, il avait gardé ces exclusions intactes.
Retour en force du nucléaire
Le retour en force de l’énergie nucléaire dans les politiques publiques, inscrit dans le projet de loi sur la souveraineté énergétique, présenté en fin d’année dernière, cherche donc des traductions dans le monde financier. Le gouvernement prévoit notamment la construction d’au moins six EPR2 par EDF dans les dix ans. Pour faciliter leurs financements, la France avait déjà ardemment milité pour introduire le nucléaire dans la taxonomie européenne, ce qui avait été validé dans un acte délégué de juillet 2022 ajoutant le nucléaire et le gaz au titre des énergies de transition.
La modification de début 2024 du label Greenfin fait le lien même si elle ne reprend pas les spécificités techniques de la taxonomie sur le nucléaire, au grand dam des ONG environnementales. Selon elles, le nucléaire ne remplit pas le critère “Do no significant harm” (DNSH) de la taxonomie en raison de la problématique des déchets radioactifs. Par ailleurs les conditions de l’activité nucléaire telles qu’elles sont définies dans la taxonomie pour une énergie de transition décarbonée ne sont pas remplies par tout le secteur nucléaire existant. Or c’est l’investissement dans toute la filière qui est désormais éligible au label Greenfin.
Aligner le label sur la taxonomie
Ce changement du référentiel de Greenfin n’est qu’une première étape sur une autre modification tout aussi structurelle de la définition de la part verte des produits financiers labellisés. Le gouvernement souhaite que soit utilisé à terme la taxonomie européenne comme référentiel. Il souhaitait que cela soit fait rapidement mais de nombreux secteurs ne sont pas encore couverts.
En quelques semaines, label ISR et label Greenfin auront donc subi des transformations tout aussi fortes qu’antinomiques comme l’ont souligné les membres du comité du label hostiles à cette refonte. Si l’exclusion des énergies fossiles du label ISR permet de clarifier le message sur la finance durable auprès des épargnants, l’intégration du nucléaire comme solution verte dans un label aux promesses de financement à impact positif pour l’environnement, jusque-là très clair, risque d’être brouillé. ■