Publié le 11 mai 2024

Des investisseurs ont déposé des résolutions aux assemblées générales de Eli Lilly et AbbVie pour les inciter à arrêter leur pratique d’extension des brevets qui empêche l’arrivée de génériques et permet ainsi de conserver des prix élevés. Chaque semaine, Novethic propose un billet LinkedIn qu’il ne fallait pas manquer.

Les laboratoires pharmaceutiques américains font face à une vague de protestation de la part des investisseurs. AbbVie, Eli Lilly, Gilead, Johnson & Johnson, Merck et Pfizer sont ciblés par une campagne d’engagement actionnarial en vue d’améliorer l’accès aux médicaments et en réduire les coûts. Une pratique courante des laboratoires est particulièrement visée, celle de l’extension de la durée des brevets qui permet à une entreprise de garder pour elle la commercialisation d’un médicament, donc d’en fixer le prix, pour laquelle deux résolutions ont été déposées aux AG d’AbbVie et Eli Lilly.

Nous voyons une grande différence entre l’utilisation légitime de brevets créés pour protéger les droits du fabricant d’un médicament innovant, et la mauvaise utilisation du système des brevets pour retarder l’introduction de génériques, afin de permettre d’augmenter les prix de médicaments existants“, explique dans une tribune sur la Proxy review Cathy Rowan, directrice de l’investissement socialement responsable chez Trinity Health. Selon elle, AbbVie a ainsi augmenté 27 fois le prix de l’Humira, son médicament phare contre l’arthrite, depuis sa création.

Bloquer la concurrence pour préserver les prix

Dans un billet LinkedIn, Michael Passoff, directeur général de Proxy impact, rappelle que “le prix élevé des médicaments est une plainte courante aux Etats-Unis“. Sa société de conseil en vote a voté en faveur des résolutions aux AG d’AbbVie et Eli Lilly. “Quand un brevet expire, des fabricants de génériques ou de biosimilaires peuvent proposer des remèdes concurrents à des prix plus bas, explique-t-il. Les compagnies pharmaceutiques déposent souvent de nouveaux brevets, pour de nouvelles indications, alors que des critiques soutiennent que cela bloque la concurrence et maintiennent les prix élevés.” AbbVie a ainsi déposé plus de 130 brevets pour l’Humira, créant un imbroglio réglementaire difficile à contourner pour la concurrence et permettant de dépasser largement la date d’expiration du premier brevet déposé. Même chose chez Eli Lilly qui a connu des “pressions à propos des prix de son insuline, dont les personnes diabétiques ont besoin pour vivre mais que beaucoup ne peuvent pas s’offrir“, souligne Michael Passoff, en mentionnant toutefois qu’Eli Lilly a récemment modéré ses tarifs.

L’Inflation reduction act veut modifier les pratiques

Les résolutions déposées par les investisseurs membres de l’Interfaith center on corporate responsability demandent aux laboratoires d’établir une méthodologie leur permettant d’évaluer l’impact de l’extension des brevets sur l’accessibilité de leurs produits. C’est la deuxième année que les investisseurs déposent de telles résolutions aux AG de ces Big Pharma. Elles ont obtenu des fortunes diverses lors des AG 2023, avec un peu plus de 10% de votes favorables chez Eli Lilly et près de 30% chez AbbVie, selon les scores relevés par les Principles for responsible investment (PRI).

Mais leurs positions sont relayées en dehors des AG. Les investisseurs rappellent ainsi que la loi sur l’Inflation reduction act (IRA) prévoit un dispositif pour négocier les prix de certains médicaments dans le cadre du programme Medicare. Selon ce dispositif, les médicaments ne disposant pas de génériques pourront faire l’objet de négociations sur leurs prix. De quoi réduire l’intérêt pour les laboratoires pharmaceutiques pour les extensions de brevets. La réglementation commence donc à rattraper les laboratoires pharmaceutiques.

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