Un show calibré à la gloire d’Elon Musk. L’assemblée générale de Tesla s’est tenue au Texas devant une sélection d’actionnaires individuels complètement acquis à la cause du dirigeant de l’entreprise, n’hésitant pas à applaudir à tout rompre, crier et même chanter “Elon, Elon” à l’entrée de l’entrepreneur sur scène. Une vraie rockstar ! Cette scénographie pensée pour booster l’égo du patron de Tesla représente justement tout ce que les investisseurs responsables ont souhaité combattre pendant l’AG. En vain.
La rémunération d’Elon Musk était le point le plus attendu de cette AG. Approuvé en 2018 par les actionnaires, le package a été rejeté en début d’année par un tribunal du Delaware qui a jugé que les actionnaires avaient été mal informés lors du vote. Vexé de cette leçon de gouvernance, Elon Musk a décidé de représenter une résolution cette année pour faire valider à nouveau son plan de stock-options, valorisé à près de 56 milliards de dollars, mais aussi pour changer le siège social de l’entreprise du Delaware vers le Texas, où il espère que la réglementation sera plus souple.
La dopamine, moteur d’Elon Musk
“En tant que présidente du conseil d’administration de Tesla, je suis honorée de vous accueillir chez nous, au Texas“, a ainsi lancé Robyn Denholm en ouverture de l’AG. Les deux résolutions présentées par le conseil d’administration relatives au plan de stock-options d’Elon Musk et de l’implantation du siège, accueillies sous des applaudissements, ont été largement approuvées. “Hot damn, I love you guys”, s’est exclamé Elon Musk en sautillant sur scène juste après la clôture de la partie officielle de l’AG. Il n’avait pas de craintes sur le résultat, déjà connu en raison des votes à distance et qu’il avait déjà partagé la veille sur Twitter…
Est-ce l’appât du gain qui motive cette âpreté d’Elon Musk, déjà l’un des hommes les plus riches de la planète, à faire reconnaître sa rémunération astronomique ? Dana Hull, journaliste chez Bloomberg, offre une autre explication dans un billet LinkedIn. Selon elle, “la dopamine est la clé pour comprendre le package de rémunération d’Elon Musk“. Elle cite Antonio Gracias, le dirigeant de Valor Equity Partners, un investisseur dans Tesla de la première heure. Entendu lors du procès dans le Delaware, il expliquait que la rémunération avait été conçue pour lui donner des “coups de dopamine“. Et pour cela, l’argent ne suffit pas : il fallait satisfaire son envie de gagner coûte que coûte. Les stock-options sont ainsi débloquées en fonction de l’atteinte d’objectifs très ambitieux, comme l’atteinte d’un certain niveau de capitalisation boursière, pour lesquels Elon Musk se donnerait corps et âme.
La dictature d’un superhéros
Et cela a fonctionné à l’extrême… Elon Musk semble aujourd’hui accro à la dopamine, cherchant à imposer ses décisions sans supporter la contradiction, même celle d’un juge. “La dopamine était en pleine lumière jeudi lors de l’assemblée générale de Tesla“, écrit Dana Hull. Les investisseurs, eux, jubilent sans doute un peu moins. Certains, comme le fonds souverain norvégien, avaient déclaré avant l’AG vouloir voter contre le plan de rémunération, inquiets de “la taille totale de la récompense, la structure des éléments déclencheurs de performance, la dilution et le manque d’atténuation du risque sur les personnes clés“.
Des actionnaires avaient également soumis des résolutions pour réformer la gouvernance de l’entreprise. L’une pour réduire à un an la durée du mandat des administrateurs, l’autre pour que les résolutions en AG soient adoptées à la majorité simple et non plus à une majorité qualifiée. “Il faut préparer un futur qui ne dépende pas de la dictature d’un superhéros. Nous devons passer d’un conseil d’administration dominé par des amis et de la famille, à un conseil d’experts et de spécialistes“, a argumenté lors de l’AG James McRitchie, fondateur de CorpGov.net, qui avait déposé la résolution au nom de plusieurs autres actionnaires. “Nous devons transitionner vers un Tesla plus démocratique“, a-t-il ajouté. Cela semble mal parti…