Publié le 3 février 2024

Au revoir les 56 milliards de dollars de stock-options. Un tribunal du Delaware a retoqué la rémunération qu’Elon Musk avait fait valider par son conseil d’administration et lors de son assemblée générale en 2018, au motif notamment de la mauvaise information des actionnaires. Pas sûr pour autant que le patron controversé ait compris la leçon de gouvernance… Chaque semaine, Novethic Essentiel propose un billet LinkedIn qu’il ne fallait pas manquer.

Il aurait dû toucher l’équivalent de près de 56 milliards de dollars. Mais un tribunal l’État du Delaware, où Tesla est enregistrée, en a décidé autrement. Le plan de stock option est “la plus grande rémunération potentielle jamais observée sur les marchés cotés“, selon la juge Kathaleen McCormick, qui ajoute que la somme est 250 fois supérieure à la médiane des plans de compensation des pairs d’Elon Musk, et 33 fois plus importante que le précédent plan de rémunération du PDG sud-africain. Tout s’était pourtant déroulé sans accroc pour Elon Musk. Sa spectaculaire rémunération avait été approuvée par le conseil d’administration et validée par les actionnaires en 2018, les règles de gouvernance semblaient donc avoir été suivies.

Erreur de gouvernance des administrateurs

Qu’est-ce que Musk aurait pu faire de plus ???“, s’interroge sur LinkedIn Conall Geraghty, un avocat irlandais spécialisé dans le droit des sociétés et dans l’accompagnement des fondateurs de start-ups. Il explique que “la principale leçon de cette affaire, c’est que la gouvernance ne peut pas se limiter à cocher les cases”. En clair, l’approbation par les administrateurs et le vote par les actionnaires ne suffisent pas à laver de tous soupçons une décision sur un point aussi stratégique que la rémunération d’un dirigeant. “Des relations personnelles et d’affaires de long terme, des conflits d’intérêts potentiels et des communications incomplètes ont profondément entaché le processus pour obtenir ces approbations”, souligne l’avocat. Le plan de rémunération a donc été annulé parce que “les directeurs de Tesla ont manqué à leurs obligations fiduciaires”.

C’est Richard Tornetta, un petit actionnaire de Tesla propriétaire de quelques actions du groupe, qui est à l’origine de l’affaire. Il s’était senti floué par la rémunération astronomique accordée au dirigeant du groupe et avait porté plainte en juin 2018 pour quatre motifs : le manquement aux obligations fiduciaires d’Elon Musk en tant qu’actionnaire de contrôle, le manquement à leurs obligations fiduciaires des directeurs ayant validé le plan, l’enrichissement injuste d’Elon Musk et enfin le “gâchis” que cela représente. Ce quatrième motif n’a pas été retenu par le tribunal, mais il montre le degré d’agacement ressenti face à l’appétit gargantuesque d’Elon Musk.

La juge a constaté que les actionnaires n’avaient pas été bien informés sur le plan de rémunération, notamment parce que certains administrateurs étaient présentés comme indépendant alors que l’enquête de justice a démontré le contrôle qu’exerçait Elon Musk sur l’entreprise et les liens étroits qu’il entretenait avec le conseil. Le patron du constructeur automobile avait pourtant assuré qu’il n’avait pas pris part dans l’élaboration de sa gigantesque paie.

Les leçons mal comprises par Elon Musk

Pour Conall Geraghty, l’affaire peut donner matière à penser aux fondateurs d’entreprise. Avant de penser à sa rémunération, il conseille de se poser deux questions : “Est-ce que je connais mes devoirs fiduciaires ? Comment les attributions d’actions pour les fondateurs sont-elles accordées dans mon secteur (et à quel point ce processus est-il indépendant) ?” Deux questions qu’Elon Musk a résolument choisi de ne pas se poser, préférant faire à sa manière. Il ne semble pas non plus faire mine de vouloir retenir la leçon du tribunal du Delaware. Immédiatement après la décision, il a publié sur X, le réseau social qu’il acquis en cédant une partie de ses actions Tesla, un tweet conseillant “de ne jamais enregistrer son entreprise dans le Delaware”. À noter que ce petit État de la côte Ouest est très prisé pour son régime fiscal très favorable aux entreprises.

Quelques tweets plus tard, le patron aux multiples controverses a demandé à ses followers s’il devait changer le lieu d’enregistrement de Tesla du Delaware vers le Texas. “Le vote public est sans équivoque en faveur du Texas”, a-t-il écrit après le résultat de son simili sondage. Il a décidé de demander un vote aux actionnaires pour entériner sa décision.■

Découvrir gratuitement l'univers Novethic
  • 2 newsletters hebdomadaires
  • Alertes quotidiennes
  • Etudes