“C’est de la schizophrénie”, déplore une source interne à Axa auprès de Disclose. Le média d’investigation, en partenariat avec Rainforest Action Network, Public Citizen et Reclaim Finance, vient de publier de nouvelles révélations sur le numéro 1 français de l’assurance. Celui-ci aurait couvert deux installations géantes de gaz naturel liquéfié (GNL) aux Etats-Unis, pour un montant de plus de 40 millions de dollars (37 millions d’euros), selon des contrats confidentiels obtenus par Disclose et ses partenaires.
“Axa soutient ainsi l’industrie ultra-polluante du gaz de schiste, qui représente 80% de la production américaine”, déplore le média dans un billet LinkedIn publié le 22 février. “Il suffirait que quelques grands noms de l’assurance s’engagent à ne plus couvrir de nouveaux terminaux de GNL pour enrayer la capacité des énergéticiens à développer leurs projets climaticides”, enjoint Ariel Le Bourdonnec, chargé de campagne assurance pour l’ONG Reclaim Finance. Aux côtés d’Axa, le groupe français Scor, numéro cinq mondial de la réassurance, garantit quant à lui 22,75 millions de dollars de dommages pour Tacoma LNG, autre terminal gazier de la côte ouest des Etats-Unis.
Pas d’exclusion du GNL
Le GNL américain, très largement issu du gaz de schiste – dont l’extraction par fracturation hydraulique est interdite en France depuis 2011 – est une énergie fossile qui dégage d’importantes émissions de méthane, un gaz 80 fois plus polluant que le CO2. Pourtant il ne fait pas l’objet d’exclusions dans les politiques sectorielles des institutions financières. Axa n’y déroge pas. Si l’assureur français communique largement sur sa sortie du charbon en 2030, il est plus discret sur le gaz. En juillet dernier, il a pris l’engagement de ne plus couvrir de nouveaux champs gaziers à partir de 2025 avec des exceptions pour les projets développés par des entreprises dites “en transition”.
Mais, contacté par Novethic, Axa reconnaît que sa politique sectorielle Energie “ne comprend pas de restrictions de ses activités d’assurance pour les terminaux GNL”. En outre, depuis le 1er janvier 2024, Axa précise qu’il ne fournit plus “de couverture d’assurance (que ce soit pour des affaires nouvelles ou existantes) pour les activités de pétrole et de gaz de schiste menées par des entreprises dont plus de 30% de la production totale de pétrole et de gaz provient de pétrole et de gaz de schiste“. Ce qui est pour le moins paradoxal.
Même topo du côté du réassureur Scor, qui n’a pas donné suite à nos demandes. Il avait annoncé lors de son assemblée générale de 2023 qu’il ne couvrirait plus de nouveaux champs gaziers, mais n’a pris aucun engagement sur les nouveaux terminaux méthaniers de GNL qui transportent le gaz. Pourtant, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) est claire : il ne faut plus de nouveaux champs de pétrole et de gaz ainsi que de nouveaux terminaux de GNL pour limiter le réchauffement à 1,5°C.
Baisse de la consommation de gaz
Du côté de la demande, la consommation de gaz en Europe est tombée en 2023 à son plus bas niveau depuis dix ans, selon une étude du groupe de réflexion international IEEFA (Institute for Energy Economics and Financial Analysis), publiée mercredi 21 février. “Deux ans après le début de l’offensive russe en Ukraine, le système énergétique européen est plus diversifié et résilient”, commente Ana-Maria Jaller-Makarewicz de l’IEEFA.
La demande globale de GNL en particulier pourrait atteindre un “pic” dès 2025. Dès lors, la capacité combinée des terminaux d’importation de GNL européens pourrait être trois fois supérieure à la demande prévue de GNL d’ici 2030. Huit terminaux d’importation ont été ouverts depuis février 2022 et 13 autres projets devraient être opérationnels d’ici 2030. De l’autre côté de l’Atlantique, le président américain Joe Biden a quant à lui lancé un moratoire sur la construction de nouveaux terminaux de gaz naturel liquéfié. De quoi faire de ces installations de probables actifs échoués.