Le Danemark est en passe de devenir un pionnier. Fin juin, le pays a adopté la mise en place d’une taxe carbone sur les émissions de CO2 liées à l’élevage afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre nationales et atteindre ses objectifs climatiques. L’accord a été conclu au terme d’années de négociations entre le gouvernement, les secteurs industriel et agricole et les groupes de protection de l’environnement. Il devrait être validé par le Parlement à la fin de l’été et entrera en vigueur en 2030.
Adopter cette taxe “a été un parcours très difficile”, confie à Carbon Brief Martin Kristian Brauer, économiste en chef au sein du Conseil danois de l’agriculture et de l’alimentation, qui représente les agriculteurs danois. L’organisation s’était opposée à la taxe dès le début des négociations, mais au cours des deux dernières années, un consensus a finalement pu être trouvé. “Bien que de nombreux [agriculteurs] au Danemark s’opposent encore à cette taxe, je pense que nous avons atteint un point où nous pouvons vivre avec elle”, explique-t-il.
16 euros par tonne de CO2
Au Danemark, producteur majeur de produits laitiers et de porc avec plus de 15 000 fermes, l’agriculture est la deuxième source d’émissions de gaz à effet de serre, celles-ci représentant un quart des émissions nationales. Les experts estiment que la taxe carbone permettra de réduire les émissions de 1,8 million de tonnes de CO2 équivalent (CO2e) en 2030, et ainsi de combler l’écart pour que le pays atteigne bien son objectif de réduction des émissions de CO2 de 70% à cet horizon.
Concrètement, les agriculteurs devront payer 300 couronnes par tonne de CO2e en 2030 (40 euros) et 750 couronnes par tonne à partir de 2035 (100 euros). Mais afin de limiter l’impact de la mesure sur les coûts de production et permettre au secteur de s’adapter, une déduction de 60% va être appliquée. Ce qui reviendra à 16 euros par tonne de CO2e en 2030 et 40 euros à partir de 2035 par tonne de CO2e. A long terme, les exploitations les plus efficaces sur le plan climatique pourraient être proches de ne payer aucun impôt, indique le gouvernement. En outre, les recettes de la taxe seront fléchées pour soutenir la transition verte de l’agriculture.
Par ailleurs, le gouvernement consacrera 5,3 milliards d’euros au reboisement de 250 000 hectares de terres agricoles d’ici 2045, à la mise en réserve de 140 000 hectares de plaines d’ici 2030 et au rachat de certaines exploitations agricoles pour réduire les émissions d’azote. “Avec l’accord tripartite, nous fixons une orientation verte claire pour l’avenir de l’agriculture danoise. Nous créons un cadre pour une production agricole plus durable, de haute technologie et efficace, qui garantit une transition verte”, a réagi dans un communiqué le ministre de l’Economie danois Stephanie Lose.
“Occasion manquée”
Pour Greenpeace toutefois, si “l’accord contient des pas dans la bonne direction”, c’est globalement “une occasion manquée” pour réellement verdir l’agriculture danoise et changer de modèle. “La déduction plancher élevée contrecarre l’incitation à passer de la production animale à la production végétale. Dans le même temps, les recettes sont utilisées pour un certain nombre de subventions technologiques pour la production animale au lieu de la conversion vers une agriculture davantage basée sur les plantes“, réagit l’ONG dans un communiqué.
Face à la colère des agriculteurs ces derniers mois, de nombreux partis européens ont appelé à reculer sur les normes environnementales. Jusqu’à présent, dans le cadre du Pacte vert, le secteur de l’agriculture est celui qui est le plus difficile à réformer et à aligner sur les objectifs de neutralité climatique du continent. Ailleurs, le constat semble le même alors que la Nouvelle-Zélande vient d’abandonner son projet de taxer ses émissions agricoles à partir de 2025, en raison de la résistance des agriculteurs. Le Danemark tire donc pour l’instant son épingle du jeu grâce à un dialogue de longue haleine.