Il n’a pas perdu une minute. Dès son arrivée au pouvoir, lundi 20 janvier, Donald Trump a clairement voulu marquer les orientations de son second mandat à la Maison Blanche. Sans surprise, le président climato-sceptique a signé un décret et un courrier adressé aux Nations unies pour retirer les Etats-Unis de l’Accord de Paris. Une seconde fois. L’Accord de Paris, qui rassemble 195 parties, prévoit de limiter le réchauffement climatique à 2°C, voire 1,5°C d’ici la fin du siècle. Lors de son premier mandat, Donald Trump était déjà sorti du traité, mais le texte n’était alors pas encore entré en vigueur, et pour des raisons de procédure, le retrait avait pris trois ans.
Cette fois, la décision devrait être effective d’ici un an, soit en janvier 2026, juste après la COP30 de Belém, au Brésil, qui se tiendra à la fin de l’année. “Il n’y a pas le moindre doute que cela aura un impact significatif sur la préparation de la COP”, a déclaré le haut diplomate André Correa do Lago, peu après sa nomination ce 21 janvier comme président de la grande conférence onusienne sur le climat. Le sommet doit permettre d’accélérer sur l’ambition climatique et la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Avant son départ, l’ancien président Joe Biden avait ainsi veillé à actualiser la contribution nationale déterminée (NDC) des Etats-Unis qui vise à réduire les émissions de gaz à effet de serre de 61 à 65% d’ici 2035. L’Accord de Paris sur le climat “demeure le meilleur espoir de l’humanité tout entière”, a rappelé ce mardi 21 janvier depuis Davos Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne.
“Un non-sens scientifique”
De fait, seuls quatre pays au monde n’ont pas ratifié l’Accord de Paris – l’Erythrée, l’Iran, la Libye et le Yémen – et aucun n’en est jamais sorti à part les Etats-Unis, deuxième émetteur de carbone au monde. “Le retrait des Etats-Unis de l’Accord de Paris est regrettable, mais l’action climatique multilatérale s’est avérée résiliente et plus forte que les politiques et les mesures prises par n’importe quel pays individuellement”, souligne Laurence Tubiana, directrice générale de la Fondation européenne pour le climat et architecte clé de l’Accord de Paris. Seulement, le contexte actuel n’est pas le même qu’en 2017, avec un multilatéralisme mis à rude épreuve et la poussée de l’extrême droite aux quatre coins du globe, y compris en Europe.
“Alors que des incendies violents attribués à la crise climatique viennent de ravager le comté de Los Angeles, cette décision est un non-sens scientifique et diplomatique, fustige de son côté Jean-François Julliard, directeur général de Greenpeace France. C’est un choix politique dont nous subirons collectivement les conséquences, dans une lutte où chaque dixième de degré compte”. La Chine a déjà fait part de son inquiétude. “Le changement climatique est un défi commun auquel est confrontée toute l’humanité, et aucun pays ne peut rester insensible ou résoudre le problème tout seul“, a dit le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Guo Jiakun. Lors du premier retrait des Etats-Unis, le monde avait alors craint que la Chine se place en attentiste. Mais le pays avait maintenu son attachement à l’Accord de Paris.
Il est aujourd’hui un leader incontesté dans le déploiement des voitures électriques et des énergies renouvelables. “Les performances de la Chine pour déployer les technologies vertes pourraient s’avérer salvatrices”, a ainsi confirmé à l’AFP Li Shuo de l’Asia Society Policy Institute. L’argument économique est défendu par les partisans de l’Accord de Paris qui voient dans le retrait américain un boulevard laissé à Pékin. “L’annulation de projets verts aux États-Unis signifie que d’autres pays peuvent investir et saisir l’opportunité d’investissements pour répondre à la demande de technologies propres. La Chine sera heureuse de laisser dans le rétroviseur de l’un de ses véhicules électriques de pointe, les fabricants américains en train de boiter”, a ironisé Tim Sahay, codirecteur du Net Zero Industrial Policy Lab, au sein de la Johns Hopkins University.
“Urgence énergétique nationale”
Aux côtés de la Chine, l’Union européenne est également appelée à jouer un rôle dans la reprise du leadership climatique. Mais cela suppose de ne pas céder aux pressions de l’administration Trump, notamment sur la question de l’approvisionnement en gaz, alors que les robinets sont peu à peu coupés avec la Russie. “L’UE risque de se transformer en un pays qui accepte des accords, à la merci d’un président américain imprévisible. Préserver les relations transatlantiques ne peut pas se traduire par un affaiblissement de la législation européenne ou un ralentissement de la transition vers la neutralité carbone”, prévient Linda Kalcher, directrice exécutive au sein de Strategic Perspectives.
Aux Etats-Unis, l’Alliance climatique, une coalition bipartite de 24 gouverneurs représentant près de 60% de l’économie américaine et 55% de la population américaine, entend pour sa part poursuivre ses efforts. “Nos États et territoires continuent de disposer d’une large autorité en vertu de la Constitution américaine pour protéger nos progrès et faire progresser les solutions climatiques dont nous avons besoin. Cela ne bouge pas malgré un changement dans l’administration fédérale”, ont tenu à rappeler ses deux co-présidentes dans une lettre envoyée à l’ONU Climat, message qui sera également transmis à la présidence de la COP30. “Le mouvement enclenché par le Green new deal, notamment par la sphère économique américaine, est plus fort que les convictions personnelles d’un homme, fut-il le président d’une des plus puissantes nations du monde”, réagit Gaïa Febvre, responsable des politiques internationales du Réseau Action Climat.
“Les négociations de l’ONU sur le climat sont la seule plate-forme où chaque nation a une voix sur l’un des défis les plus pressants de notre époque. C’est pourquoi je suis convaincu que pratiquement tous les pays resteront engagés dans l’Accord de Paris malgré le départ des États-Unis“, assure également Ani Dasgupta du World Resources Institute. En attendant de mesurer les effets d’une sortie de l’Accord de Paris, Donald Trump ne s’en est pas arrêté là. Lors de son investiture, il a également décrété “l’urgence énergétique nationale” afin d’accélérer la production d’hydrocarbures, alors que le pays est déjà le premier producteur de gaz et pétrole au monde. “Drill baby drill” (Creuse, bébé, creuse), un slogan qu’il s’efforce d’ores et déjà de mettre en œuvre.
Mise à jour le 21 janvier à 18h41 avec la réaction du président de la COP30.