C’est une petite île perdue au milieu de l’océan Pacifique, dont l’avenir pourrait être assombri par les effets de la crise climatique. Tout comme les Maldives, les Tuvalu, les Kiribati ou encore les îles Marshall, Nauru risque de devenir inhabitable d’ici 2100 selon les experts du climat de l’ONU. Face à la menace de plus en plus pressante que représente la montée des eaux, cet Etat insulaire envisage de déménager une partie de ses 13 000 habitants du littoral vers le centre de l’île.
Une opération coûteuse pour laquelle Nauru a trouvé une source de financement aussi étonnante que critiquée : la vente de “passeports dorés”. Moyennant 105 000 dollars, soit 96 200 euros, le petit pays permet à des étrangers d’obtenir sa nationalité et de voyager grâce à celle-ci dans près de 90 Etats sans visa, dont le Royaume-Uni, l’Irlande ou encore les Emirats arabes unis. “Pour Nauru, il ne s’agit pas seulement de s’adapter au changement climatique, mais de garantir un avenir durable et prospère pour les générations à venir”, explique à l’AFP son président David Adeang.
L’île, l’une des plus petites nations du monde avec une superficie totale de 21 kilomètres carrés, est constituée d’un plateau central peu élevé comptant des roches phosphatées, ressource naturelle qui sert par exemple à produire des engrais. Ces gisements faisaient autrefois de la république de Nauru l’un des territoires à la richesse par habitant la plus élevée de la planète. Mais ces réserves se sont taries depuis longtemps, creusant les finances du pays. Les chercheurs estiment par ailleurs que l’exploitation minière, ainsi que la pollution qui en a résulté, ont rendu inhabitable 80% du territoire.
Plus de 5 millions de dollars de recette
C’est pourtant vers ces terres en altitude, rendues inhospitalières et nécessitant donc d’importants aménagements, que Nauru souhaite à terme déplacer jusqu’à 90% de sa population. Ces travaux ont néanmoins un coût : la première phase de la relocalisation est estimée à plus de 60 millions de dollars. Pour répondre à ce défi, les financements climatiques seraient “insuffisants” estime Edward Clark, à la tête de ce “Programme de citoyenneté pour la résilience économique et climatique” lancé en novembre 2024.
Tandis que les premières demandes sont en cours d’examen, le gouvernement de Nauru escompte récolter 5,7 millions de dollars dès la première année grâce à cette mesure. Les autorités espèrent que ce chiffre passera progressivement à 43 millions de dollars, une somme qui représenterait 20% des recettes totales annuelles du gouvernement. Car le dispositif, mis en place par plusieurs autres Etats insulaires, s’avère plutôt lucratif. C’est notamment le cas de la Dominique, qui a également fait le choix de vendre sa citoyenneté, cette fois-ci au prix minimum de 200 000 dollars, depuis les années 90.
Ici l’objectif principal est de financer la réparation des dégâts provoqués en 2017 par l’ouragan Maria sur cette île située dans la mer des Caraïbes, tout en se préparant aux futurs impacts du changement climatique. “Après le passage de l’ouragan Maria, de nombreux pays s’étaient engagés à financer la reconstruction de notre économie. Mais nous n’avons pas reçu l’argent promis”, justifie auprès de Géo, la présidente de la Dominique, Sylvanie Burton. L’Etat a ainsi généré en moyenne 140 millions de dollars par an depuis 2015.
Un dispositif controversé
Ce système est cependant controversé car il peut faciliter des activités criminelles, met en garde Henrietta McNeill, experte à l’université nationale australienne. Certains pourraient se servir de leur nouvelle nationalité pour fuir la justice dans leur pays d’origine, blanchir de l’argent ou profiter des exemptions de visa octroyées par cette pièce d’identité. Une précédente tentative de vente de passeports par Nauru avait déjà mal tourné. En 2003, sa citoyenneté avait ainsi été octroyée à des membres d’Al-Qaïda, plus tard arrêtés en Asie, selon la chaîne australienne ABC.
Des passeports dominicains ont également été remis à des responsables de régimes répressifs selon le Washington Post. Pour éviter ces dérives et faire face à des critiques formulées par l’Union européenne, la Dominique a finalement interdit l’accès à son programme aux Russes et Biélorusses et affirme être davantage regardante sur les profils des candidats sélectionnés. De son côté, Nauru n’accordera des passeports qu’à des citoyens dont les antécédents auront été passés au crible, avance Edward Clark. “Ce programme ne se limite pas à l’acquisition d’un nouveau passeport, il s’agit aussi de rejoindre une communauté qui cherche des solutions novatrices pour relever les défis mondiaux”, assure-t-il.