La Commission européenne a tenu bon. Comme prévu, elle a présenté mercredi 2 juillet sa proposition d’amendement à la loi climatique européenne fixant un objectif climatique à 2040. Et elle maintient l’ambition de réduire les émissions nettes de gaz à effet de serre du continent de 90% d’ici 2040 par rapport à 1990. Elle suit la recommandation qu’elle avait émise en février 2024 qui se situe dans la fourchette basse proposée par le Conseil consultatif scientifique européen sur le changement climatique (ESABCC). C’est donc un ouf de soulagement pour les organisations environnementales.
“Alors que la Commission présente à la dernière minute une proposition pour 2040, il est encourageant de constater que le chiffre global reste inchangé malgré les vents contraires politiques”, réagit Jens Mattias Clausen, directeur de la division UE de Concito, un organisme à but non lucratif danois. “La Commission, qui insiste sur l’objectif de 90% malgré la résistance de la France et de la Pologne, constitue un signal fort : elle garantit la sécurité de la planification dans un contexte d’incertitude géopolitique majeure”, ajoute Bernd Weber, PDG du Conseil de politique et d’innovation en matière d’énergie et de climat (EPIC).
Crédits carbone
Il y a quelques jours encore, lors du Conseil européen, le président français Emmanuel Macron tentait de repousser les discussions sur l’objectif européen à 2040 et ainsi obtenir des garanties sur le soutien à l’énergie nucléaire dans le cadre de la décarbonation industrielle. “Ne nous surcontraignons pas”, avait-il déclaré. “Si on a (un objectif 2040) pour Belém (qui accueille la COP30, ndr) super, si cela doit prendre plus de temps, prenons-le”, ajoutait-il. D’autres pays, comme la Hongrie du nationaliste Viktor Orban, la République tchèque, ou l’Italie de Giorgia Meloni appelaient quant à eux à revoir à la baisse les ambitions de Bruxelles.
Cela a obligé le commissaire au Climat, Wopke Hoekstra, à faire le tour des capitales européennes pendant plusieurs mois pour tenter de trouver un compromis. Et c’est là que le bât blesse. Car si la proposition de la Commission européenne maintient l’objectif de 90% de réduction, elle accorde des “flexibilités” pour y arriver. Elle prévoit ainsi d’autoriser 3% de crédits carbone internationaux hors UE à partir de 2036 pour atteindre cet objectif. Ceux-ci devront être de “haute qualité” et avoir fait l’objet de “certifications“, a précisé le commissaire en conférence de presse.
Les crédits carbone sont pourtant au cœur de nombreuses polémiques depuis plusieurs années en raison de leur manque de fiabilité. De nombreux acteurs appelaient donc la Commission européenne à ne pas céder sur ce point. “Cela risque de détourner les investissements hors d’Europe au moment où ils sont le plus nécessaires ici et de retarder les efforts nationaux au moment où nous devons les accélérer. Dans ce contexte, l’UE peut choisir avec soin où acheter ces crédits et coopérer uniquement avec des pays affichant une intégrité environnementale élevée”, explique Linda Kalcher, directrice exécutive au sein de Perspectives stratégiques.
Vers un objectif 2035 en septembre
“L’important c’est d’être pragmatique et flexible et non dogmatique sur la façon d’atteindre cet objectif”, s’est justifié Wopke Hoekstra sur ce qui apparaît comme un recul par rapport à la proposition de février 2024. “Nous faisons la jonction entre la compétitivité, le climat et l’indépendance. C’est la proposition la plus robuste, la plus viable politiquement”, assume-t-il, rappelant que “le processus en vue d’obtenir un consensus est aussi important que les politiques en elles-mêmes”. Et Teresa Ribera, commissaire européenne pour la Transition propre, d’insister : “le monde de 2024 n’est plus le même aujourd’hui mais nous, nous continuons à agir”.
Désormais, le texte doit être examiné par le Parlement européen et le Conseil de l’UE. La présidence danoise de l’UE, qui vient de démarrer au 1er juillet, espère obtenir un accord d’ici septembre, afin de travailler ensuite sur un objectif 2035 qui doit être soumis avant la COP30. “Une soumission dans les délais enverrait un signal clair aux autres grands émetteurs, notamment la Chine, l’Inde, le Japon, l’Australie et le Mexique, pour qu’ils revoient leurs propres ambitions à la hausse avant la COP”, pointe Cosima Cassel du think tank E3G Berlin.