10 sur 197. Dix pays seulement, qui représentent 16% des émissions mondiales, ont respecté les délais en déposant avant ce lundi 10 février leurs nouvelles ambitions climatiques, connues sous le nom de contribution nationales déterminées (CDN ou NDC en anglais), conformément à ce que prévoit l’Accord de Paris. Ces plans, mis à jour tous les cinq ans, doivent à chaque fois fixer des objectifs plus ambitieux que les précédents et décrire comment les atteindre.
Nouveauté : lors du premier bilan de l’action climatique à la COP28, il a été acté que pour cette troisième salve de NDC, les Etats devraient inclure un objectif de réduction des émissions d’ici 2035, couvrir tous les secteurs de l’économie, toutes les émissions de gaz à effet de serre et être alignés sur l’objectif 1,5°C. Des engagements qui sont loin d’être tenus.
Chine et UE aux abonnés absents
Parmi les dix pays qui ont bien déposé de nouvelles NDC, seul le Royaume-Uni semble être dans les clous. Le pays vise à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 81% d’ici 2035 par rapport aux niveaux de 1990, ce qui semble aligné avec l’objectif 1,5°C. “Il s’agit d’un véritable leadership de la part du Royaume-Uni“, a réagi Gareth Redmond-King, responsable du programme international à l’Energy and Climate Intelligence Unit. En revanche, le pays n’a pas revu à la hausse son engagement à 2030, ce qui laisse un fossé encore plus grand pour atteindre son ambition.
La contribution de la Nouvelle-Zélande a quant à elle suscité de nombreuses critiques. Le pays ne rehausse son ambition que d’un point entre 2030 et 2035, pour atteindre une réduction des émissions de GES comprise entre 51 et 55%. L’administration de Joe Biden a également remis sa copie avant l’arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche. Elle vise à réduire les émissions de gaz à effet de serre du pays de 61 à 65% d’ici 2035 mais il semble peu probable qu’elle soit mise en œuvre, en tout en cas au niveau fédéral. Le Brésil et les Emirats arabes unis font également partie des bons élèves mais la croissance de leur production de pétrole et gaz est pointée du doigt.
Parmi les grands pollueurs absents, on peut citer la Chine et l’Union européenne. Sur le Vieux continent, les discussions patinent dans un contexte de remise en cause du Green Deal. “L’Union européenne accuse un retard critique, pointe Caroline François-Marsal, responsable Europe au Réseau action climat France. Elle doit donc rapidement se mettre d’accord sur sa boussole climat à horizon 2040, dossier en attente depuis plus d’un an.”
Nouveau délais
“Il vaut mieux que nous ayons de bons plans plus tard cette année que de mauvais au début, mais l’Europe doit aller de l’avant”, tempère Linda Kalcher, directrice du groupe de réflexion Strategic perspectives, basé à Bruxelles. “La soumission tardive des NDC ne signale en aucun cas un manque d’ambition ou un éventuel revirement dans les engagements en matière d’action climatique”, veut aussi croire Lebogang Mulaisi, directeur exécutif chargé des politiques et de la recherche à la Commission présidentielle sud-africaine sur le climat (PCC).
Selon lui, ces retards sont liés à plusieurs facteurs, notamment dans les pays du Sud. Il cite ainsi les contraintes de capacité, le temps nécessaire pour consulter les parties prenantes sur les ambitions plus élevées souhaitées, ou encore les engagements financiers qui peuvent permettre de débloquer des NDC plus ambitieuses. L’Inde a ainsi fait savoir que son NDC reflèterait la déception du pays face au résultat de la COP29 sur le financement climatique. Le contexte géopolitique avec le retrait des Etats-Unis de l’Accord de Paris n’est pas non plus idéal, d’autant que l’Argentine a annoncé qu’elle suivrait. L’Indonésie avait également remis en question son implication dans le traité avant de rétropédaler.
Dans un discours prononcé le 6 février au Brésil, pays qui accueillera en novembre la COP30, Simon Stiell, le directeur exécutif de l’ONU sur les changements climatiques, assure que la grande majorité des pays – plus de 170 – soumettront de nouveaux plans cette année. “Étant donné que ces plans nationaux font partie des documents politiques les plus importants que les gouvernements produiront au cours de ce siècle, leur qualité doit être une considération primordiale. (…) Il est donc raisonnable de prendre un peu plus de temps pour s’assurer que ces plans sont de première qualité et décrivent correctement la manière dont ils contribueront à cet effort, et par conséquent les bénéfices qu’ils permettront de retirer”, a-t-il expliqué.
Il a annoncé la nouvelle date limite de rendu des NDC à septembre afin de pouvoir les inclure dans le rapport de synthèse sur les CDN, qui sera publié avant la COP de Belém. “Dix ans après Paris, nous n’aurons pas tenu tous nos engagements, a-t-il reconnu. Mais “les dix prochaines années représentent la période cruciale au cours de laquelle des coalitions se formeront pour obtenir des résultats”, ajoute-t-il.